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n’avoir pas assaisonné ses harangues de la dose d’ennui qu’exige la tradition. Il faut servir les gens, non d’après le bon goût, mais d’après leur goût.

» Je reviendrai sur cet important discours après en avoir lu le texte officiel. La discussion continue ce soir. S’il y a un vote, il sera favorable, je ne dis pas au ministre, mais au ministère, puisque M. Depretis veut et avec raison je crois, que le Cabinet soit absolument solidaire.

 » H.-O.Montferrier. »

On nous écrit d’Alger, le 8 mars :

» Les indigènes sont les premiers, dit-on au gouvernement général, à donner leur assentiment aux mesures administratives qui les concernent, à applaudir la création au milieu des tribus de villages dont ils sont exclus, à demander que nos tribunaux jugent leurs différends. J’ai déjà présenté quelques observations à cet égard dans une précédente correspondance. Permettez-moi d’y revenir en m’appuyant sur des faits récens d’un autre ordre. Il s’agit d’un arrêt que la Cour d’appel d’Alger vient de rendre dans un procès où des propriétaires indigènes défendaient leurs droits contre des plaideurs français.

» Les opérations pour la constitution de la propriété individuelle, conformément au sénatus-consulte du 22 avril 1863 et à la loi du 28 juillet 1873, ont été commencées sur un territoire appartenant à des indigènes, aux environs de Ténès. Un commissaire enquêteur a d’abord fait un rapport dans lequel il a constaté les droits des défenseurs du sol, en détaillant les parts de chaque ayant droit dans l’ensemble de la propriété possédée à titre collectif. Les licitations n’ayant pour ainsi dire jamais lieu dans les successions musulmanes, il arrive forcément qu’après un certain nombre d’années les copropriétaires augmentent dans une proportion considérable, à mesure que le parti de chacun diminue jusqu’à être réduit à un chiffre pour ainsi dire infinitésimal.

» Ce rapport a été déposé au chef-lieu de la commune pour que les indigènes pussent en prendre connaissance et à faire valoir leurs réclamations. Ce n’est en quelque sorte qu’un document provisoire, qui n’a encore aucune valeur légale. Mais les intéressés indigènes n’ont pas été seule à consulter ce rapport. En spéculateur français a découvert un certain nombre de lots appartenant à deux veuves et les a achetés à vil prix, avec la pensée de provoquer une licitation judiciaire et de devenir propriétaire à bon marché des autres lois, soit en les acquérant de gré à gré, soit en intervenant aux enchères. Cette manœuvre se pratique couramment dans les trois provinces de l’Algérie, partout où la loi du 20 juillet 1873 est appliquée.

» Pour l’affaire de Ténès, le spéculateur en cause est un des gros bonnets du département d’Alger, que le suffrage universel a élevé à un poste éminent. En reproduisant l’arrêt, les journaux ont remplacé son nom par des points. Il a acheté de deux femmes indigènes 106 lots de terre, d’une contenance totale de plus de 750 hectares, moyennant le prix de 550 fr. (je dis cinq cent-cinquante francs). Il a alors introduit une instance en licitation, non pas pour la totalité des lots, mais pour 35 seulement, d’une superficie de 232 hectares. Il a obtenu gain de cause devant le tribunal de première instance. Les copropriétaires indigènes ont interjeté appel.

» Le jugement a été cassé. L’arrêt nous révèle que, parmi les lots en licitation, il y en a un d’une étendue de 8 ares, dont le demandeur n’a acquis que le 24e des 39, 36/878, 592 millièmes, c’est-à-dire à peu près la grandeur d’une feuille de rosier. Pour d’autres lots d’une superficie de 16 ares, 35 ares, 80 ares, il n’a qu’une part de 575/10, 756 millièmes ; pour un lot de 34 ares, sa part n’est que de 183/6, 480 millièmes. La Cour a infligé un blâme au notaire qui a dressé l’acte de vente, parce qu’il n’a pas pris soin d’établir les droits des femmes qui vendaient. En effet, le rapport du commissaire enquêteur peut être réformé et les parts modifiées. Les appelans indigènes réclamaient leur droit de retrait successoral. Ils n’ont pu être admis pour la même raison, c’est-à-dire le caractère provisoire du rapport.

» Ces demandes en licitation sont ruineuses pour les indigènes, vu le grand nombre de copropriétaires. On cite une licitation de ce genre devant le tribunal de Blidah, dont les frais se sont élevés à plus de 10, 000 fr. ; d’autres ont atteint 5 et 6, 000 fr. pour des propriétés d’une valeur de quelques centaines de francs. Cette procédure monstrueuse par la multiplicité des citations et significations à faire jette dans la misère les familles indigènes qui habitent ces terres, les mettaient en culture et vivaient de leurs produits. Les chiffres cités plus haut nous édifient sur la moralité de ces opérations et appellent la plus sérieuse attention du législateur, des magistrats et de l’administration supérieure.

» La Cour d’appel a pu casser le jugement du tribunal de première instance parce que le spéculateur s’est trompé sur la valeur des droits qu’il achetait. Mais dans combien d’autres procès, le jugement s’est trouvé définitif, parce que toutes les formalités légales étaient observées ? Le magistrat est obligé de confirmer, alors même que sa conscience proteste, et qu’il voit trop clairement les ruines que son jugement va sanctionner. Peut-on croire de bonne foi que les indigènes applaudissent à ces procédures si coûteuses, aux lenteurs interminables, aux renvois successifs d’une affaire jusqu’à ce qu’ils renoncent, de guerre lasse, au procès ? Devant de pareils faits on comprend les hésitations et les résistances des chefs de la magistrature, quand les politiciens réclament la suppression des cadis et de la justice musulmane, avant d’avoir rendu notre propre justice plus clémente et plus accessible pour les indigènes.

» Cette question de la suppression des cadis et de la justice musulmane n’a pas encore été examinée, d’une manière sérieuse ; c’est une de ces banalités qu’on débite dans les journaux, dans les Conseils généraux et au Conseil supérieur pour flatter les passions et les préjugés ; les esprits calmes et vraiment politiques ne s’y laissent pas prendre. Il serait insensé de vouloir substituer des juges de paix et des notaires aux cadis dans ces immenses territoires où la population est si disséminée ; ce serait une lourde charge pour le budget, et il faudrait plaindre les juges de paix et les notaires condamnés à cet exil d’un nouveau genre. En second lieu, on n’arrache pas ainsi violemment à une population ses traditions, ses coutumes, ses croyances. Elle se passerait plutôt de notre justice et trouverait des expédiens pour régler ses affaires sans nous.

» On a beaucoup crié contre la vénalité des cadis ; ces critiques ne sont pas entièrement dénouées de fondement ; on aurait tort cependant de généraliser l’accusation. Et puis, on pourrait répondre que les musulmans algériens ne sont pas encore au niveau de notre dix-neuvième siècle ; ils ont conservé les pratiques qui étaient fort en usage en France au quinzième et au seizième siècle. Le premier remède à ce mal devrait consister à être plus attentif dans le choix des cadis que nous nommons et à augmenter leur traitement. Un cadi de 1re classe touche 1, 500 fr. ; celui de 2e classe, 1, 200 fr. et celui de 2e classe n’a que 1, 000 fr. Toutes les personnes qui connaissent la composition des familles indigènes conviendront que c’est là une bien maigre pitance. Mais, dit-on, ils remplissent ainsi les fonctions de notaire et touchent à ce titre des émolumens. Leurs profits ne sont pas, de ce côté, aussi grands qu’on pourrait l’imaginer. La rédaction des actes est soumise à un tarif très limité. Là où le notaire français touche 100 et 150 fr. pour une vente de propriété, par exemple, le cadi ne perçoit que 10 fr. Tant mieux pour le client indigène ; mais il faudrait se préoccuper de mettre les cadis à même de vivre honorablement en conservant leur dignité.

» J’ai parlé précédemment d’une enquête qui se fait pour établir l’utilité des services des cadis. On sait déjà qu’ils rendent par an une moyenne de 22, 000 jugemens, et qu’ils rédigent, comme notaires, 137, 000 actes civile. L’examen détaillé des états qui ont été dressés donne lieu à des observations très intéressantes sur le fonctionnement de la justice musulmane. Il y a tel tribunal de cadi où il est rendu très peu de jugemens, tandis que le nombre des actes est très considérable. On a pu se convaincre que ce résultat est dû entièrement au caractère respecté du cadi qui aime mieux concilier les parties que d’aviver les haines entre les familles. Tel autre cadi voudra peut-être éviter que son jugement ne soit frappé d’appel devant le juge français ; tel autre redoute ces appels qui font contrôler la loi du Prophète par des non-musulmans. Quoi qu’il en soit, il y a là une institution qui tient une large place dans la vie des familles indigènes et à laquelle il ne faut pas toucher légèrement. Il vaudrait mieux rechercher les moyens d’en tirer parti pour seconder les réformes que nous tentons. »

On nous écrit d’Amsterdam, le 10 mars :

» Le roi a eu, jeudi 8 mars, un long entretient avec le chef du Cabinet démissionnaire, M. van Lynden, qui a toute la confiance du souverain, aura-t-il réussi à persuader Guillaume III de la nécessité de remédier au plus vite à la crise ministérielle ? Le souvenir de la dernière crise, qui a duré près de six mois, et du mal qu’elle a fait au pays, est présent à tous les esprits ; chacun est pressé d’en finir ; c’est le vœu exprimé par la seconde Chambre avant de se séparer.

» Entre les diverses combinaisons ministérielles, mises en avant par les partis, il en est au moins une qui a vécu. Ceux qui parlent du retour de M. van Lynden aux affaires oublient qu’il a été non moins que son collègue, M. Pynacker-Hordyck, atteint par les derniers votes de la Chambre. M. van Lynden, comme président du Conseil, est fini : il n’a plus que la ressource de rentrer dans le cadre des hommes d’État en disponibilité. Tous les membres du Cabinet démissionnaire n’ont pas été frappés au même degré. Il est certain que M. Tallman Kip, ministre de la marine ; J. de Cklercy, du waterstaat ; Reuthern de la guerre, et, à la rigueur, M. Modderman, de la justice, pourraient, sans inconvénient, conserver leur portefeuille.

» La résurrection du Cabinet van Lynden étant impossible, et la Droite, c’est-à-dire les antirévolutionnaires protestans et les ultramontains, constituant une minorité trop faible et en outre trop divisée pour former un parti de gouvernement, il est évident que c’est vers la Gauche que devra se tourner le roi ; c’est dans son sein qu’il devra prendre les élémens de la future, combinaison ministérielle. Le problème, pour être simplifié, n’en est pas moins difficile à résoudre et comporte des données d’une nature spéciale que l’on ne peut négliger et que je vous demande la permission d’indiquer une fois pour toutes. On se convaincra aisément par là que le milieu parlementaire hollandais n’est pas meilleur que ke nôtre, s’il n’est pire. C’est en Hollande, comme en France, une tâche souverainement ingrate que celle d’organiser un pouvoir sérieux. Le chef du Cabinet doit compte ici, non seulement, avec les individualités influentes, les coteries ; mais encore avec les rivalités des grandes villes. Les individualités influentes ont une action d’autant plus grande que leur représentation est plus restreinte. C’est la coterie qui a remplacé le groupe. Le groupe est, après tout, une unité politique avec qui on peut discuter ; mais la coterie, association de dix à douze personnes toutes parentes, amies, unies les uns aux autres par le seul lien d’une commune sympathie, cous plaira ou vous déplaira : tout est dit. Enfin, viennent les rivalités, je devrais dire les hostilités des grandes villes, et, par grandes villes, j’entends surtout Amsterdam et Rotterdam. La Hollande est moins un État qu’une confédération de provinces ayant chacune leur caractère, leurs intérêts, et ces intérêts sont non pas seulement distincts, mais opposés. La politique des intérêts est celle qui divise le plus. On n’a pas d’idée du degré d’animosité auquel sont montées, l’une contre l’autre, les deux villes les plus considérables de la Hollande. Il est vrai qu’elles sont comme vouées à une lutte constante. Leur position géographique est telle, en effet qu’elles ne peuvent se développer qu’au détriment l’une de l’autre, toutes les deux poursuivant un même but : l’accaparement du grand commerce avec les Indes et avec l’Allemagne.

» Aussi faut-il voir de quelle façon hautaine et dédaigneuse Amsterdam, infiniment plus riche et plus puissante, traite Rotterdam ; avec quel soin jaloux ; elle s’oppose à tout ce qui ajoute à l’agrandissement de sa rivale. Rotterdam, qui s’enfle volontiers à la hauteur d’Amsterdam, ne reste pas en arrière de mauvais procédés. Il est évident, alors même qu’elles auraient la même opinion politique, que leurs députations feraient assez mauvais ménage dans le Parlement, et que les sentimens d’hostilité de ces deux grandes villes se traduiraient par des votes uniquement inspirés par l’intérêt de clocher. Rotterdam aspire, par son Nieuwewaterway, à communiquer directement avec la mer. Amsterdam est prise de la même ambition : le canal d’Ymuiden a été percé. Rotterdam est en relation directe avec le Rhin. Amsterdam a proposé aux Chambres l’établissement d’un canal qui atteint le même but par la Gueldre. Rotterdam a fait échouer le projet et a fait substituer au canal par la Gueldre le canal de Merwede, qui maintient sa position privilégiée. Rotterdam a voulu engager Amsterdam dans une campagne contre l’annexion du Haut-Congo par la France. Amsterdam s’y est refusé. Amsterdam a invité Rotterdam à se faire représenter à son Exposition coloniale. Rotterdam a fait la sourde oreille. Ainsi les individualités influentes, les coteries, les rivalités des grandes villes, telles sont, sans compter les différences des opinions politiques, les causes, d’autant plus puissantes que le milieu est plus restreint, qui vicient le milieu parlementaire, rendent très difficile la prompte formation d’un Cabinet, et qui compromettent la durée des gouvernemens les mieux constitués. Les ministres vont vite en Hollande ; le roi a sans doute la ressource, de faire appel aux capacités. Mais, qui ne voit que la difficulté pour être tournée n’est pas supprimée, et que, tôt ou tard, le pouvoir devra compter avec elle. En attendant, les combinaisons ministérielles vont leur train à Amsterdam où l’on prend ses désirs pour une réalité et, à la Haye on prétend que M. Tack tient la corde, M. Tack auquel serait adjoint le chef du parti radical, M. van Hanlen. À Rotterdam, où l’on redoute M. Tack que l’on sait peu sympathique au Nieuwerwaterway, on croit à la réussite d’une combinaison dans laquelle entreraient M. Smith et M. Loeff membre du Conseil d’État. Quel que soit le ministère libéral à qui restera la succession de M. van Lynden, il aura une tâche à remplir. La Hollande ne peut sortir du cercle fatal ou l’a enfermée le long règne des classes dirigeantes que par un vigoureux effort. Ceux qui présideront à ses destinées en seront-ils capables ? J’en doute.

» Amsterdam a reçu la visite d’une délégation d’une trentaine de membre du Conseil municipal de Paris, accompagnée de M. Alphand, directeur des travaux, venu tout exprès pour étudier le système des égouts. Ces messieurs s’étaient arrêtés à Bruxelles où ils ont reçu un chaleureux accueil. La réception a été à Amsterdam, comme à Bruxelles, cordiale. Les délégués parisiens, vaillamment pilotés par le consul général, comte de Sait-Poix, choyés par le bourgmestre, qui leur a fait la surprise d’une excursion à Ymuiden sur un vapeur frété par lui, ont emporté de leur rapide passage dans la capitale de la Hollande d’excellens souvenir. Je doute fort qu’ils aient cueilli une égale provision de renseignemens utiles.

» On annonce l’arrivée à Amsterdam de 5, 000 ouvriers de Paris pour travailler à l’Exposition. »

ETRANGER

Allemagne.

La Correspondance libre échangiste faisant allusion à la fermeture de deux fabriques de tissus d’Orléans, à Littau, recommande au Reichstag de procéder sans plus de retard, à la réduction, projetée l’année dernière, des droits d’entrée sur les fils de trame. La feuille allemande estime que, vu la situation critique actuelle, il est d’autant plus regrettable de voir le gouvernement maintenir des droits très élevés qu’une réduction d’un pfennig seulement aurait aujourd’hui plus d’importance qu’une réduction d’un groschen n’en aurait eu jadis.

— Les fabricans de matière ligneuse de la montagne des Géans ont, sur l’invitation du prince de Bismarck, donné leur avis sur l’augmentation des droits sur les bois. Ils ont déclaré que la franchise de droits accordée au bois de chauffage, même en laissant entrer librement le bois de bûches ayant moins d’un mètre de longueur, ne protègerait pas l’industrie des matières ligneuses et du papier contre le dommage que lui causerait l’augmentation des droits sur les bois. Comme le prince de Bismarck est leur collègue, ils espèrent qu’il accueillera favorablement leurs vœux.

Angleterre.
CHAMBRE DES COMMUNES.Séance du 16 mars.

La Chambre reprend la discussion de la question du Transvaal.

M. Forster attaque vivement la politique du gouvernement.

M. Gladstone repousse ces attaques. Il dit que M. Forster prêche une doctrine de guerre, tandis que le gouvernement conserve entière sa liberté d’action. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour les indigènes, non seulement en ce qui touche Bechuana, mais encore relativement à toutes les autres stipulations des conventions ; mais nous ne renoncerons à aucun de nos droits.

Le ministre combat la motion de M. Gorst repoussé l’amendement de M. Cartwright avec cette modification que, vu les graves complications survenues et la difficulté pour le gouvernement du Transvaal de contenir les Boers, la Chambre espère que le gouvernement prendra des mesures suffisantes pour qu’aucun des chefs indigènes ne réclame de nous autre chose que ce qui est juste.

La suite de la discussion est ensuite renvoyée au 3 avril, et la séance est suspendue jusqu’à neuf heures du soir.

Bulgarie.

Voici les faits qui ont amené la crise ministérielle bulgare :

Le métropolitain de Sofia ayant été condamné par le synode de Constantinople à une claustration temporaire au couvent de Rida, M. Stoïloff, ministre de l’intérieur et des cultes, lui a transmis la décision du synode à laquelle le métropolitain s’est soumis.

Cette mesure a déplu à MM. Soboleff et Kaulbars, deux ministres de nationalité russe, auxquels la dépendance de l’Église bulgare du synode de Constantinople est désagréable, et qui, en considérant cette Église comme orthodoxe grecque, voudraient la voir dépendre du synode russe. M. Soboleff a écrit au métropolitain qu’il était libre de ne pas obéir aux décisions du synode.

Le métropolitain n’a pas voulu profiter de sa liberté, mais M. Stoïloff s’est senti froissé d’une mesure qui désavoue en quelque sorte ses actes, et a donné sa démission ainsi que d’autres membres bulgares du Cabinet. Le prince Alexandre a accepté leur démission et a chargé le général Soboleff de constituer un nouveau Cabinet. C’est celui dont la liste est communiquée par le télégraphe.

Grèce.

Les négociations pour la conclusion d’une convention commerciale entre la Grèce et la France se poursuivent régulièrement avec le nouveau Cabinet français. M. Tricoupis a laissé entendre qu’il était tout disposé à donner à la navigation française des avantages sur les côtes grecques, et il s’attend à recevoir prochainement de Paris un projet complet de convention, projet qui portera la question sur un terrain précis, pratique et sur lequel l’entente pourra se faire rapidement.

En tous cas, il est permis de constater dès aujourd’hui que la continuation des négociations et les bonnes dispositions dont on fait preuve de part et d’autre permettront au Cabinet d’Athènes d’ajourner une seconde fois l’application des tarifs différentiels pour donner aux deux gouvernements le temps de conclure la convention.

Italie.

Dans le consistoire qui a eu lieu hier, le Pape, après avoir remis le chapeau aux cardinaux Bianchi et Czacki, a préconisé un grand nombre d’archevêques et d’évêques, notamment les archevêques de Mohidoff, de Varsovie et de Séville, et les évêques de Kalisch, de Pioch, de Zitounir, de Sandomir, de Vilna, de Samoritie, de Kielce, de Lublin, de Burgos, de Lausanne, de Cordoue, de Colina, d’Halifax et de Charleston.

Le Pape a reçu ensuite ceux des nouveaux évêques présens à Rome.

Roumanie.

Sénat. — Le Sénat a terminé hier la discussion de l’interpellation du général Mano relativement au résultat de la Conférence de Londres, en adoptant à l’unanimité un vote de confiance en faveur du gouvernement. Le premier ministre, M. Bratiano, a renouvelé la déclaration faire hier à la tribune de la Chambre des Députés, puis il a ajouté :

« La Conférence a stipulé un délai de six mois pour la ratification de ses décisions et leur acceptation par les États riverains. Mais il faut que l’Europe sache bien que dans six mois, comme aujourd’hui il ne se trouvera personne en Roumanie pour avoir une autre manière de voir dans cette question que celle qui a été si hautement affirmée dernièrement par le Parlement et par le pays tout entier. »

Au cours de la discussion, le général Floresco, chef de l’Opposition a déclaré que, lorsque l’heure critique sonnera, tous les partis s’effaceront pour se confondre dans un seul et grand parti : le parti national.

États-Unis.

On télégraphie de Washington, le 15 mars :

Le rapport publié par le département agricole constate que la quantité totale de coton envoyée des plantations au marché jusqu’au 1er mars s’est élevée à 5.900, 000 balles, c’est-à-dire à environ 86 1/4 0/0 de la récolte indiquée par le dernier rapport.

Actes et documens officiels.

Par décret en date du 15 mars, rendu sur la proposition du ministre des finances :

M. Labeyrie, trésorier-payeur général des Alpes-Maritimes, a été nommé trésorier-payeur général de la Gironde, en remplacement de M. Marmottan, décédé.

M. Guillaumet, trésorier-payeur général de l’Ardèche, a été nommé trésorier-payeur général des Alpes-Maritimes.

M. de Crépy, receveur particulier des finances à Fontainebleau (Seine-et-Marne), a été nommé trésorier-payeur général de l’Ardèche.


Par décret en date du 14 mars, le Président de la République, sur le rapport du ministre des finances, vient d’autoriser l’inscription au grand livre de la Dette publique, section des rentes 3 0/0 amortissables par annuités, de la somme de rente nécessaire pour assurer la consolidation des capitaux de la Dette flottante, jusqu’à concurrence de douze cents millions de fr. (1,200,000,000 fr.)

Lesdites rentes seront semblables à celles qui ont été créées conformément aux conditions fixées par les décrets des 16 juillet 1878 et 7 mars 1881.


Par décrets en date du 14 mars, rendus sur le rapport du ministre des travaux publics :

M. Tarbé de Saint-Hardouin, inspecteur général de 1re classe au corps des ponts et chaussée, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite, par application des dispositions réglementaires sur la limite d’âge.

M. Planchat, inspecteur général de 1re classe au corps des ponts et chaussées, a été nommé directeur de l’École nationale des ponts et chaussées à dater du 1er août 1883.

M. Collet-Meygret, inspecteur général de 2e classe au corps des ponts et chaussées, a été nommé inspecteur général de 1re classe, pour prendre rang à date du 1er avril 1883.


Par décisions du ministre de la guerre en date du 15 mars :

M. le général de brigade Castanier, promu par décret du 10 du même mois, a été nommé au commandement de la 3e brigade de dragons (5e division de cavalerie) à Valenciennes.

M. le général de brigade Segretain, membre du comité consultatif des fortifications, a été nommé membre de la commission mixte des travaux publics.

Conseil général de la Seine.

Séance du 16 mars.

La séance est ouverte à trois heures, sous la présidence de M. Forest.

Sur le rapport de M. Vauthier, le projet de délibération suivant est adopté :

« Il y a lieu, pour le département, de concourir à l’exécution d’un port à Charenton, au lieu dit des « Magasins généraux », pour une somme de 26,500 fr. »

Sur le rapport de M. Dreyfus, le Conseil émet le vœu que la taxe additionnelle d’un dixième, établie par la loi du 16 septembre 1871 sur les transports à grande vitesse, soit et demeure supprimée.

Le Conseil décide que ce rapport sera adressé aux présidens de tous les Conseils généraux de France.

M. Joffrin dépose le projet de délibération suivant :

« Aucun citoyen ayant appartenu au Conseil ne pourra être appelé aux fonctions sont l’administration dispose s’il n’est démissionnaire depuis un an. »

Renvoyé à la commission des affaires diverses.

La séance est levée à six heures.

Prochaine séance lundi.

Conseil municipal de Paris.

Séance du 16 mars.

Les deux propositions déposée par M. Joffrin à l’avant-dernière séance et tendant : l’une au rétablissement de la garde nationale et l’autre à la création d’ateliers municipaux, de boulangeries, de boucheries, d’habitations municipales, etc., pour les ouvriers donnent lieu à un incident au début de la séance.

Quelques membres, parmi lesquels M. de Ménorval, demandent que le conseil renonce à la nomination d’une commission spéciale chargée de les examiner, ce qui indiquerait que le Conseil les rejette par la question préalable.

Cette manière de voir n’a pas prévalu et le Conseil décide qu’il y a lieu de nommer cette commission.

M. Manier se plaint de ce que la police de Paris ne soit pas bien faite. Depuis quelques jours, le 14e arrondissement est en proie à des meutes de chiens errants qui le ravagent, sans que la police paraisse seulement s’en douter. Plusieurs personnes sont mortes victimes de leurs morsures.

D’autre part, un meurtre a été commis le 24 février au coin de la rue du Pont-Neuf et de la rue des Halles. Le meurtrier n’est pas encore découvert. M. Manier invite M. le préfet de police à faire connaître les mesures que compte prendre son administration pour prévenir le retour de ces faits.

M. Murius Martin ajoute que la police dite municipale s’occupe principalement de politique. Lorsque la sécurité des citoyens et de leurs propriétés est menacés, la police est presque toujours absente. Il y a quelques jours, en effet, il y avait fête chez le Président de la République ; les abords de l’Élysée étaient bien gardés, mais à quelques pas de là, faubourg Saint-Honore, vers deux heures du matin, un invité du Président était assailli par des malfaiteurs au moment où il entrait chez lui, sans qu’aucun agent soit venu à son aide.

M. Martin se plaint, en outre, de ce que l’aventure d’Antin, où habite le prince Napoléon, soit surveillée par une brigade de police.

M. le préfet de police répond que les faits signalés par M. Martin sont ou controuvés ou exagérés. Il n’a pas connaissance, en ce qui le concerne, des attaques dont il vient de parler. Quant à la brigade chargée de veiller sur le prince Napoléon, il déclare qu’il n’a pas à s’expliquer là-dessus.

L’incident est clos.

La nomination de la commission chargée d’examiner les propositions de M. Joffrin auxquelles nous avons fait allusion plus haut donne lieu à un très vif incident que nous détachons du compte rendu officiel.

Le scrutin auquel il est procédé ayant attribué des voix à un certain nombre de membres de la Droite, M. Marius Martin refuse toute candidature en ces termes.

M. Marius Martin : Non seulement mes amis et moi déclinons toute candidature, mais je tiens à déclarer que nous nous sommes abstenus de voter sur la nomination d’une commission chargée d’examiner les propositions de M. Joffrin.

M. le colonel Martin : Si l’on avait mis aux voix la prise en considération des propositions de M. Joffrin j’aurais voté contre. Je n’accepte pas d’être membre d’une commission, qui doit examiner des propositions que je trouve insensées !

M. Fiaux : L’expression n’est pas parlementaire.

M. Joffrin : Je ne comprends pas une pareille expression de la part d’un collègue qui a fait coter « oui » au plébiscite.

M. le président : Je vous prie, Messieurs, de vous abstenir de discussions personnelles.

M. le colonel Martin : Je ne sais ce que M. Joffrin veut dire et je demande qu’il soit interdit à M. Joffrin de tenir des propos malsonnans.

M. Fiaux : C’est l’expression « d’insensé » dont vous vous êtes servi qui est malsonnante.

M. Joffrin : Les insensés sont ceux qui ont conduit la France à Sedan.

M. le colonel Martin : M. Joffrin ferait mieux de nous dire ce qu’est devenue la recette de la salle Pérot, dont on parle dans toute la presse.

M. Joffrin : Ce sont les monarchistes qui sont les coupables.

M. le président : Je vous prie, mon colonel, de vous adresser au Conseil, et j’invite M. Joffrin à ne pas interrompre.

M. le colonel Martin : On aurait dû proposer la prise en considération des propositions de M. Joffrin ; elle aurait été rejetée. Au lieu de cela, vous nommez une commission.

M. Cattiaux : Le Conseil a accepté, il était libre.

M. le colonel Martin : Je refuse d’en faire partie.

M. Joffrin : Je demande la parole pour un fait personnel. Il ne s’agit pas d’une question politique, mais d’une question d’honneur. M. le colonel Martin a parlé de la réunion de la salle Pérot.

M. le colonel Martin : J’ai dit ce que j’avais vu dans un journal.

M. Joffrin : La ligue royaliste avait convoqué une réunion pour planter à la Chapelle les fleurs de lis. C’était son affaire. Mais c’était l’affaire des républicains de venir à cette réunion défendre leurs idées.

Les royalistes entraient sans payer, avec des petits papiers.

Les républicains de toute nuance qui composaient la majorité de la salle (environ 850) avaient seuls donné leur cotisation en entrant.

Ces messieurs royalistes ont voulu ce qu’on fait quelquefois dans certains théâtres, disparaître avec la caisse avant la représentation.

M. Cochin : C’est inexact.

M. Joffrin : Je défie M. le colonel Martin de dire que je ne me suis pas interposé, quand on a voulu frapper M. Nicoulaud et qu’un royaliste, M. Morel, n’est pas venu me demander mon appui pour protéger le caissier lorsqu’il a voulu se sauver.

Voici la vérité :

Les royalistes ont voulu se sauver avec la caisse.

Le bureau était responsable, il a payé les frais de la salle, et a donné le reste pour les victimes des partis réactionnaires.

M. Cochin répète que c’est inexact.

MM. Joffrin, Hovelacque, Cattiaux et Bartholoni, sont nommés membres de cette commission.

Les quatre autres membres seront nommés à la prochaine séance, qui est fixée à lundi.

L’ordre est rétabli au lycée Louis-le-Grand et les études reprendront lundi matin leur cours régulier. Les élèves frappés de peines disciplinaires pour participation aux troubles du 13 et 14 mars sont au nombre de 127. Douze sont exclus de Louis-le-Grand et l’accès de tous les lycées de Paris leur est interdit ; quatre-vingt-cinq sont simplement exclus de Louis-le-Grand ; quinze devront renoncer à l’internat et suivre les cours comme externes ; quatre recevront un avertissement sévère.

On compte parmi les coupables six boursiers, quatre boursiers nationaux et deux boursiers communaux ; on a dû sévir aussi contre un maître auxiliaire qui s’est gravement compromis ; il perdra le bénéfice de la pension que lui assurait l’État et sera mis à la disposition du ministre de la guerre.

Tel est le résultat de la triste échauffourée dont il ne faut ni exagérer ni réduire l’importance. Elle n’est qu’un accident qui ne saurait avoir de suites ; les traditions d’ordre, de discipline, de respect des autorités qui sont celles de Louis-le-Grand et de l’Université reprendront leur empire dès demain, après ces quelques jours d’égarement.

Il importait de rétablir les faits dans leur exacte vérité pour mettre fin à des appréciations erronées, et aux tentatives faites par quelques journaux insuffisamment informés pour déplacer les responsabilités.

E. Z.

NOUVELLES DIVERSES

Le récolement des tapisseries de la Ville auquel il vient d’être procédé par les soins de l’administration préfectorale avec le concours de M. Collin, membre du Conseil municipal de Paris et le chef des ateliers de tapisseries de la manufacture des Gobelins, a fait connaître que la collection de la Ville se compose de 98 pièces évaluées à la somme de 2, 538, 118 fr. 60 c.

Malheureusement, la plupart d’entre elles ont été trouvées dans un état déplorable. Les unes sont dépouillées de leurs bordures, d’autant plus précieuses qu’elles portent ordinairement la signature des artistes qui les ont tissées, la date de leur confection et leur marque de fabrique.

D’autres ont été si fréquemment employée à des décorations volantes qu’elles ont été déchirées en plus d’un endroit et sont hors d’état de servir.

Un certain nombre enfin ont été plutôt endommagées que restaurées par les réparations maladroites que des tapissiers ignorans y ont faites à une autre époque.

Pour prévenir la destruction certaine de cette riche collection qui n’a de rivale en France que celle du Garde-Meuble, M. le préfet de la Sarthe a demandé au Conseil municipal les crédits nécessaires pour lui permettre de la faire remettre en état. Ce travail serait confié à la maison Léger à laquelle on doit les belles restaurations de tapisseries qu’on a pu admirer à l’exposition des Arts décoratifs.

M. le préfet exprime, en outre, le vœu que toutes les tapisseries soient photographiées, afin de faciliter les recherches qui pourraient devenir nécessaire dans le cas où ces objets viendraient à être mutilés ou soustraits.

Cette dernière opération entraînerait une dépense de 7, 760 fr. La maison Léger se chargerait de la réparation des tapisseries, moyennant une somme totale de 51, 880 fr.

Dès qu’elle sera restaurée, la collection sera placée dans un local spécial qui lui sera réservé dans le nouvel Hôtel de Ville, à l’exception de cinq tapisseries qui proviennent de l’église Saint-Gervais.

Ces cinq tapisseries ont été exécutées dans les ateliers du Louvre, d’après les cartons de Lesueur, de Philippe de Champaigne et de Sébastien Bourdon, par le plus célèbre tapissier du commencement du dix-septième siècle et sont peut-être les seules dont il n’existe au monde qu’un seul exemplaire. Elles seront placés dans une salle du Musée Carnavalet, où elles formeront une décoration admirable.

— La petite crue de la Seine ne va pas continuer. Influence locale du dégel d’hier, qui ne s’étend pas dans les parties supérieures du bassin.

Voici la cote, à Paris, du vendredi 16 mars : Au pont d’Austerlitz, 1m40 ; au pont de la Tournelle, 1m18 ; au Pont-Royal, 2m40.

— Voici, d’après les journaux intransigeans, la liste des réunions et banquets annoncés pour célébrer l’anniversaire du 18 mars.

Le samedi soir, salle de l’Ermitage, rue de Jussieu, punch organisé par le groupe des socialistes révolutionnaire des Écoles.

Le dimanche 18 mars.

Salle Rivoli, meeting organisé par le comité national du parti ouvrier socialiste révolutionnaire français.

Salle Diderot, banquet du groupe d’études sociales des 3e et 4e arrondissemens.

Salle Bannin, faubourg Saint-Antoine, punch-conférence-concert-tombola, organisé par « les Égaux » et le cercle des ouvriers socialistes du quartier Sainte-Marguerite.

Salle de la Reine-Blanche, à deux heures, meeting public organisé par le groupe des Indépendans et la Sentinelle révolutionnaire du 18e arrondissement.

Salon du Lac-Saint-Fargeau, banquet organisé par le comité révolutionnaire central.

Salle du Cadran des Buttes-Chaumont, à quatre heures, banquet des ouvriers socialistes du 19e arrondissement.

Même salle, deuxième banquet, suivi de bal, organisé par le cercle d’études des ouvriers socialistes du 19e arrondissement, le cercle des jeunes républicains socialistes du 19e arrondissement, la Libre-Pensée des ouvriers socialistes du 19e arrondissement, la chambre syndicale des forges et laminoirs de la Seine, la chambre syndicale des raffineurs.

Salle Teissier, rue des Entrepreneurs, soirée intime organisée par le parti ouvrier du 15e arrondissement.

Moulin de la Vierge, rue de Vanves, banquer du parti socialiste révolutionnaire de Plaisance.

Le cercle des Égalitaires du 3e arrondissement annonce un banquet.

Brasserie du Temple. Punch fraternel de la Société de solidarité des proscrits de 1871.

Salle Chevalier, boulevard Arago, banquet international organisé par les révolutionnaires indépendans.

Salle Gilbert, rue Saint Maur, conférence et punch par le groupe des travailleurs du 10e arrondissement.

Maison Lamiral, boulevard Ménilmontant, banquet de l’agglomération parisienne du parti ouvrier.

À Saint-Denis, salle Boufflers, banquet et bal des ouvriers socialistes de l’arrondissement.

À Saint-Denis, rue de Paris, 61, banquet du groupe socialiste de la Libre-Pensée de Saint-Denis.

À Levallois-Perret, banquet du cercle anarchiste de la localité.

À Vincennes, punch de la Libre-Pensée socialiste du canton.

À Gentilly, punch du cercle d’études et d’action politique de la localité.

— Le gouvernement, en prévision des manifestations annoncées de tous côtés, à l’occasion de l’anniversaire de l’insurrection du 18 mars, a pris pour assurer le maintien de l’ordre, des mesures de précautions très sévères.

Aucun attroupement ne sera toléré : toute tentative de désordre sera rigoureusement réprimée et, si l’on est obligé d’en arriver aux sommations, toutes les personnes qui ne se seront pas réitérées aussitôt après le roulement de tambour seront arrêtés et maintenues à la disposition de la justice.

— On lit dans l’Intransigeant :

Hier, dans la matinée, un commissaire de police s’est présenté au domicile de la citoyenne Louise Michel, 45, boulevard Ornano, et a demandé à lui parler.

Louise Michel n’était pas chez elle ; sa mère seule s’y trouvait, avec une amie qui lui tenait compagnie.

Le commissaire de police a dû se borner à opérer une minutieuse perquisition qui, du reste, n’a amené aucun résultat.

Nous croyons savoir que d’autres visites domiciliaires vont avoir lieu chez divers citoyens signalés comme ayant pris part à la manifestation du 11 mars.

M. le préfet de la Seine vient de prendre un arrêté aux termes duquel des plaques indicatives portant le nom de Place du Louvre seront substituées à celles existant actuellement sur les côtés Nord et Sud de la place.

On sait que la place du Louvre portait sur deux de ses côtés les noms de ru Perrault et de rue des Prêtres-Saint Germain l’Auxerrois. C’est cette anomalie, dit le considérant de l’arrêt, qu’il convient de faire disparaître.

— Le regrettable incident qui s’est produit il y a quelques jours, rue de Babylone, a éveillé l’attention de l’administration de la préfecture de police.

Pour éviter que pareil fait ne se renouvelle, M. Macé s’est concerté avec le chef de la police municipale pour que dorénavant les agens en bourgeois n’arrêtent plus — autant que possible — sur la voie publique, lorsqu’il y aura foule. Ils devront suivre les délinquans qu’ils feront arrêter par les premiers gardiens de la paix qu’ils rencontreront. On évitera ainsi que les passans, en s’interposant, ne favorisent l’évasion des coupables.

— On a annoncé, ces jours derniers, l’embarquement, à Saint-Martin-de-Ré, de Marin Fenayrou, l’assassin du pharmacien Aubert. Le condamné avait quitté Paris jeudi dernier sous la conduite de gardiens spéciaux, dans un wagon-cellule ; on craignait qu’il ne se suicidât ; aussi une surveillance particulière était-elle exercée sur lui.

Depuis sa condamnation, il était resté enfermé dans une cellule, à la grande Roquette. Au commencement, il était triste, morose et ne parlait à personnes. Un jour, il reçut la visite d’un agent d’affaires, autorisé à le voir, et qui venait lui demander s’il n’avait pas des dispositions spéciales à prendre à l’égard de ses enfans que leur grand’mère, Mme Gibon, a envoyés en province.

Fenayrou pleura et ne put rien répondre.

Le lendemain, il pria le directeur de la prison de faire mander l’agent d’affaires dont il avait reçu la visite.

Fenayrou causa alors avec cette personne et déclara que sa volonté était que ses enfans quittassent son nom ; il priait sa belle-mère de continuer à s’occuper d’eux. Il ajouta qu’il désirait qu’on vendît une petite propriété qu’il possédait encore dans l’Aveyron et que le montant de la vente fût placés sur la tête de ses deux enfants ; ceux-ci n’en toucheront le prix qu’à leur majorité.

Fenayrou exprima l’intention de voir sa femme ; le ministre de l’intérieur autorisa l’entrevue, qui devait avoir des gardiens pour témoins. Mme Fenayrou fut alors extraite de Saint-Lazare, où elle avait été amenée.

Les deux époux s’embrassèrent froidement et sans expansion. Le mari dit à sa femme ce qu’il avait fait pour ses enfans et l’engagea à prier sa mère de toujours s’occuper d’eux avec sollicitude. Puis ils se dirent adieux en pleurant.

C’est lorsque toutes les affaires de famille des deux condamnées ont été terminées que l’ordre de départ fut donné.

Le jour où son mari quittait la Roquette, Gabrielle Fenayrou retournait à la maison centrale de Clermont.

— Un incendie s’est déclaré hier dans l’après-midi, dans un hangar situé, 21, boulevard Ney, sous lequel une chaudière remplie de goudron était en ébullition.

Le feu s’est communiqué au goudron d’abord, puis aux planches du hangar, et, en quelques minutes, le tout ne formait plus qu’un immense brasier.

Les pompiers des postes voisins et les employés du chemin de fer du Nord, accourus avec leurs pompes, ont vigoureusement attaqué cet incendie, dont ils étaient maîtres après une heure de travail, mais le hangar et tout ce qu’il contenait avait été dévoré par le feu.

— Des agens sont retournés la nuit dernière au no 74 de la rue Ramey, et comme la veille, précisément même endroit, ont arrêté cinq malfaiteurs, qui devisaient insouciamment bien loin de penser que la police reviendrait deux jours de suite dans la même maison.

On a trouvé à côté d’eux un stock de linge, étoffes et objets divers, provenant des vols de la journée. L’un d’entre eux, un nommé Furé, à déjà subi un nombre incalculable de condamnations. Tous les cinq sont allés rejoindre leurs camarades au Dépôt.

Un vol des plus audacieux a été commis aujourd’hui à la gare du Nord.

M. le baron Coppeus de Fontenay, attaché à l’ambassade de Belgique, arrivé par le train de Lille, tenait à la main un nécessaire renfermant divers bijoux.

Pour chercher son bulletin de bagages et le remettre au conducteur d’un des omnibus qui stationnaient dans la cour, il avait déposé le nécessaire dans la voiture où il avait l’intention de prendre place.

Deux minutes s’étaient à peine écoulées et