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Page:Aïssé - Lettres de Mademoiselle Aïssé à Madame Calandrini, 1853.djvu/28

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MADEMOISELLE AÏSSÉ.

en France) a soixante ans bien sonnés, car il ne rentre qu’en mai 1711[1]. Voilà donc qu’aux premiers nœuds, en quelque sorte légitimes, qui, dit-il, les lient déjà indissolublement, et qu’il a soin de mettre à part, le tuteur et maître croit que le temps est venu d’en ajouter d’autres. Il se déclare pour la première fois nettement, il se propose et prétend s’imposer : reste toujours à savoir s’il fut accepté, et rien ne le prouve. J'insiste là-dessus : la phrase qui, lue isolément, semblait constater une situation établie, accomplie, et sur laquelle on s’est jusqu’ici fondé, comme sur une pièce de conviction, pour rendre l’esclave à son maître, n’indique qu’un ordre pour l’avenir, un commandement à la turque ; or, encore une fois, rien n’indique que l’aga ait été obéi.

Je ne parle ici qu’en me réduisant aux termes mêmes de la lettre, mais il y a plus, il y a mieux : le caractère d’Aïssé est connu ; sa noblesse, sa délicatesse de sentimens, sont manifestes dans ses lettres et par tout l’ensemble de sa conduite. Il n’y avait pour elle de ce côté-là qu’un danger, c’était dans ces années obscures, indécises, où la puberté nais-

  1. Lorsqu’il mourut en octobre 1722, il est dit dans les Registres de Saint-Roch qu’il était âgé d’environ soixante-quinze ans. — Voir ci-après la note (E).