Page:A. Belot - Les Stations de l’Amour.djvu/10

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Quelques minutes après, miss Dora m’adressa de nouveau la parole : « Voulez-vous m’offrir le bras, monsieur Fonteney ?… »

J’acceptai, comme tu le penses ! Elle voulait, avant de rentrer au bal, faire un tour dans le jardin. De place en place se trouvaient des berceaux, des bosquets dans lesquels on voyait des couples s’égarer : on avait aussi dressé de nombreuses tentes garnies de fleurs et de feuillages, plus ou moins éclairées par des verres et des lanternes de couleur, et dans lesquelles on pouvait se reposer et goûter « les tièdes voluptés des nuits mélancoliques ».

Dora s’appuyait indolemment sur mon bras, et j’éprouvais un charme indicible à me promener avec cette belle créature, dont il me semblait que j’étais depuis longtemps l’ami. Cette fierté un peu dure qui m’avait choqué les premiers jours avait fait place à une vivacité de conversation, en même temps qu’à une félinité de mouvements et d’intonation dont j’étais à la fois surpris et charmé.

— Entrons là, me dit-elle, désignant une tente de toile devant laquelle nous passions, et dont une moitié seule se trouvait éclairée, tandis que l’autre restait dans l’ombre.

Nous nous assîmes et demeurâmes un instant sans parler. Mon émotion croissait. Tout à coup, j’eus un éblouissement et, sans réfléchir, par instinct, je me penchai vers elle et mis un baiser sur une partie d’épaule que ne recouvrait pas le châle qui la préservait de la fraîcheur de la nuit.

D’un bond, elle fut debout, et se réfugia dans la partie sombre de la tente. J’étais resté pétrifié de mon audace et effrayé de la colère que je pressentais. Toutefois, je me levai et m’avançai timidement : « Pardonnez-moi, mademoiselle, j’ai perdu la tête… Je vous ai offensée ?… » Et je me tenais à bonne distance, quoique toujours dans l’ombre.

— Ce n’est pas cela, me dit-elle d’une voix qui n’avait rien d’irrité, mais on pouvait nous voir ! Imprudent !…

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