Page:A. Belot - Les Stations de l’Amour.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

voilà… Vous m’avez invitée à déjeuner : et bien ! mettons-nous à table, j’ai une faim de loup… »

— Pardonnez-moi, fit-il ; dans ma joie de vous revoir, j’avais oublié tout le reste.

Au même instant, on frappa à la porte : Adrien ouvrit, et je vis entrer un marmiton portant une manne d’osier dans laquelle se trouvait un repas que le jeune homme avait commandé chez un pâtissier du voisinage.

Je dressai la table et nous nous assîmes côte à côte sur le divan. Adrien ne me quittait pas des yeux, remplissait sans relâche mon assiette et nom verre, et sa figure rayonnait d’un bonheur sans nuage.

La conversation allait son train, et les baisers aussi… Bien avant le dessert, j’étais étendue sur les genoux de l’aimable garçon, qui me passait une à une les cerises glacées que je cueillais entre ses dents blanches ; les pointes de sa petite moustache me chatouillaient le nez, et je riais comme une enfant, en buvant dans son verre les dernières gouttes du chaud bourgogne où il avait trempé ses lèvres.

Ah ! que c’est bon la jeunesse !… Son radieux soleil illumine et transforme tout ; à vingt ans, l’amour s’épanouit sans entraves, rien ne vient altérer le plaisir du moment : on oublie tout, on rêve tout éveillé. L’univers entier se reflète dans les prunelles de la femme qu’on adore, et l’on possède tous les trésors du monde du moment que l’on serre l’être aimé entre ses bras.

Ai-je besoin de te dire, que sous l’influence de ce badinage, je sentais un feu liquide circuler dans mes veines ? Mais cette fois, moins pressée par la violence de mes désirs, je voulus délecter le plaisir à mon aise et l’accompagner des raffinements voluptueux auxquels tu m’as habituée. J’arrêtai donc l’élan du fougueux jeune homme qui se préparait à m’immoler sans plus de cérémonie, et je lui fis comprendre que certains préambules étaient nécessaires.

— 135 —