Page:A. Challamel.- Les Clubs contre-révolutionnaires.djvu/395

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Une adresse ou lettre ayant été envoyée à la Société des Amis de la Constiliition^ cette Société saisit cette occasion pour manifester son opinion sur les gardes nationales, et ce fut Barnave qu’elle chargea de rédiger sa réponse.

Le 3 décembre 1790, Barnave répondit à la Lettre de la Société des Gardes nationaux établie à Paris aux Petits Pères, sous le litre de Société des Gardes nationaux de France (1), Il y exposait les principes de la Société des Amis de la Constitution (Jacobins) sur les gardes nationales.

« Nous avons cru, dit-il, que l’exposition des principes de la Société était la seule réponse que nous dussions faire à votre lettre. « Les Amis de la Constitution ne pensent point que les gardes nationales forment en France un corps séparé de celui du peuple ; ils croient que le droit de défendre la Constitution, sous les drapeaux de la patrie, appartient également à tous les citoyens, et que l’institution qui le réserverait à une classe particulière établirait le plus injuste et le plus dangereux des privilèges. Pénétrés d’estime et de reconnaissance pour ceux qui les premiers se sont réunis pour la défense de la Révolution, ils sont intimement convaincus qu’aucun d’eux n’a conçu la pensée de s’en faire un titre, d’établir, une corporation, de renouveler en quelque sorte ces distinctions que les principes de l’égalité ont fait disparaître, et, après avoir été les premiers défenseurs de la liberté, d’en devenir le dernier écueil. Les Amis de la Constitution ne reconnaissent donc aucun représentant, aucune représentation des gardes nationaux de France. Une telle représentation serait à leurs yeux celle de la nation même, et la nation ne l’a placée que dans l’Assemblée nationale. Ce n’est point d’ailleurs sous un caractère guerrier et sous le costume des armes, que les citoyens doivent se réunir et former entre eux des associations délibérantes. Chacun, à titre de citoyen, a le droit d’exprimer son opinion ; chacun, à titre de citoyen, a l’usage libre de [ses droits, de sa volonté politique ; mais sous un titre militaire, aucun ne peut être que l’instrument passif de la loi, sans autre guide que la voix du magistral qui en est l’organe. Les hommes libres sont fiers quand ils exercent leurs droits individuels ; mais ils ne connaissent plus qu’une soumission religieuse sous le caractère qui met dans leurs mains le dépôt imposant de la force publique. Les hommes libres sont soldats à la voix de la patrie’ qui les appelle ; mais ils s’empressent de rentrer sous le régime de la paix, pour recueillir les fruits de la liberté (1) Lettre eu date du 1" déceiabrc 1190.

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