Page:A la plus belle.djvu/171

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fût possible de distinguer la devise et les armoiries, mais personne n’avait tenté d’émettre un doute.

C’étaient bien les gens des îles.

Le bonhomme Rémy dut croire un instant qu’on allait le laisser en repos et qu’il en serait quitte pour la perte de sa recette mais la troupe d’hommes d’armes, après avoir caracolé un instant dans la plaine, tourna un coude de la rivière et disparut dans la direction des grevés.

Tout aussitôt la foule de retrouver courage.

— Et que nous fait l’Homme de Fer ? demanda-t-on.

— Un mécréant va-t-il empêcher des chrétiens de se divertir.

— Oh ! vrai Dieu ! le païen ne nous fait pas peur !

— Allons, Rémy, bonhomme Rémy, ouvre ta cahute, ou gare à toi !

Le bonhomme Rémy eut beau larmoyer, le Jersiâs eut beau agiter sa massue en roulant des yeux épouvantables, Fier-à-Bras eut beau se retrancher dans sa dignité de gentilhomme, il fallut obéir.

La foule se rua sur la galerie et entra de force.

— Or ça, manants, dit le nain, nous défendrez-vous, au moins, si l’on nous attaque ?

Une belliqueuse clameur lui répondit affirmativement, et la représentation commença. Ceux qui ne purent trouver place se repliérent du côté du pont et augmentèrent l’énorme masse d’amateurs, entassée autour de la grenouille.

On tirait toujours Gabillou pour les Normands, Marcou pour les Bretons.

Et c’était chose terrible à voir. Les deux attelages s’étaient allongés ; ils débordaient du pont dans la plaine.

Marcou et Gabillou, le visage en feu, les veines gonflées, les yeux hors de la tête, n’essayaient plus de cacher leur torture, mais ils ne lâchaient pas prise.

Les deux premiers tenants de Marcou étaient Pélo le bouvier et Mathelin le pasteur des gorets : tous deux du Roz. Ils supportaient juste la moitié de la traction qui pesait sur le pauvre