Page:A la plus belle.djvu/172

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corps du page. Et cette traction ainsi dédoublée, leur arrachait à chaque instant des cris de douleur.

Marcou, lui, ne criait pas. Il est vrai que Javotte criait mi Jésus pour lui, pour Gabillou et pour toute l’assistance. Mais aussi l’enthousiasme était au comble parmi les amateurs. De mémoire d’homme on n’avait jamais vu une grenouille si belle ! Les ménagères parlaient déjà de Josille Bénou, du bourg de la Rive, qui avait été frappé de mort subite en défendant la grenouille à cette même place, et de Julien Reynier, qui avait laissé ses deux bras après la barre, de telle sorte, disaient les ménagères, qu’il rapporta un tronc sanglant à sa pauvre femme qui l’attendait au logis.

— Et faites donc les blés noirs sans bras, ma Jeannette !

— Et vannez donc les orges, la Suzon !

— Ah ! les hommes ! dire qu’ils sont tous les mêmes !

— Tous les mêmes ! jamais ils ne pensent aux pauvres femmes !

C’était pourtant Josille Bénou qui était mort et Julien Reynier qui avait perdu ses deux bras ; mais les ménagères plaignaient les pauvres femmes.

— Oh là là ! cria la petite Jouanne, voilà Gabillou qui tire la langue, pas moins ! La vilaine langue qu’il a, et qu’il la tire longue, mon Dieu donc !

— Hardi, Gabillou ! clamèrent les Normands une fois encore.

C’était la fin. Gabillou et Marcou étaient littéralement prêts à rendre l’âme. Les deux attelages firent un suprême effort ; le sang partit sous les poignets crispés de Gabillou.

— Tu n’es qu’un failli merle ! dit Marcou d’une voix hâletante ton sang ne tient pas dans ta peau !

— Tirez, hâlez ! haïdur ? hie donc ! haïte !

La tête de Gabillou tomba sur ses bras tendus.

Le blanc de ses yeux était pourpre.

En ce moment, Berthe de Maurever, Mme Reine et Jeannine se montrèrent sur la terrasse du Dayron.

— Bretagne ! Bretagne ! cria Marcou épuisé.