Page:A la plus belle.djvu/183

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— Qui donc ? qui donc ?

Berthe et Jeannine toutes seules parmi les dames ne formulèrent point cette question. Elles savaient peut-être de qui parlait le sire du Dayron.

Le sire du Dayron promena son regard autour de la salle. Au lieu de répondre, il dit

— Où donc est messire Olivier ?

Les dames n’avaient pas attendu cela pour s’apercevoir de son absence. On chercha des yeux, mais en vain.

— Est-ce que messire Olivier connaît le comte Otto, demandèrent plusieurs voix de femmes.

— On le dit, répliqua le seigneur du Dayron.

— On dit vrai, prononça une voix grave et douce qui fit sauter sur leurs sièges Berthe de Maurever et Jeannine.

Le baron d’Harmoy était entre elles deux. Chacun le regardait désormais avec une sorte d’effroi et le silence régnait dans la salle.

— On dit vrai, prononça une seconde fois messire Olivier qui parlait bas et avec lenteur ; je connais le comte Otto Béringhem.

Dame Josèphe de la Croix Mauduit recula son siège.

— Est-il possible ! fit-on à la ronde.

— Vous plaît-il, mesdames, de savoir comment je l’ai connu ? demanda le baron d’Harmoy.

— Certes, certes !

Le cercle entier frémissait de curiosité.

— Je vais donc vous le dire : C’était une nuit du printemps dernier ; je chevauchais tout seul dans les grèves, courbé sous cette tristesse des gens qui ont été trop tôt jusqu’au fond de la vie, et qui n’espèrent plus, parce qu’ils sont las de désirer. C’était grande marée. J’entendis la mer au lointain, elle venait ; mon cheval souffla et voulut fuir : je lui brisai les dents sous le mors. Il resta. J’attendis la mer. La mer vint, grande et sombre, comme je l’attendais. Je fus content. Je me sentais vivre, maintenant que j’étais si près de la mort.

— Je comprends cela s’écria Aubry.