Page:A la plus belle.djvu/184

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— Pas moi ! pensa dame Josèphe.

Olivier poursuivit :

— Mon cheval se mit à la nage. Moi, je contemplais l’Océan sourd, uni comme une glace, sans vagues, sans écume, et je pensais à tous les trépassés qui dorment sous cet immense linceul.

On ne meurt, qu’une fois, dit-on. Moi, j’ai vingt-cinq ans, et je sais déjà comment on meurt par l’eau, par le fer et par le feu.

J’ai été poignardé ; j’ai été incendié ; j’ai été noyé.

Il fit un silence et l’on entendit le bruit des respirations pressées. À droite et à gauche, Jeannine et Berthe s’étaient éloignées de lui.

Aubry se sentait attiré invinciblement vers cet homme. Il se disait

— Je serai son ami !

Madame Reine admirait aussi. C’est une chose curieuse l’admiration arrachée aux gens trop sages par la folie ! Madame Reine, avait bien un peu de frayeur, mais, moins elle comprenait les excentricités de ce mystérieux personnage, plus elle était subjuguée.

Il n’y avait que la douairière de la Croix-Mauduit pour regarder le conteur avec froideur et défiance.

Dans tout le reste de la salle l’attention était vivement excitée. Parmi cette lumière sombre et vague que rendaient encore les grandes croisées ouvertes, la tête de messire Olivier apparaissait plus pâle et plus belle.

Mais ce n’est pas de moi que je veux vous parler, reprit-il. La nuit était calme. Les nuages qui couvraient la lune en tamisaient les rayons et rendaient l’obscurité visible. Mon cheval s’épuisait. Nous étions au nord du mont Tombelène, à mille pas du rivage.

Tout à coup, et je crois rêver encore quand j’y songe, le silence se remplit de sons harmonieux. Des voix fraîches et douces, se mariaient aux accords voilés des luths. Moi, qui étais là pour mourir, je me demandai si ma dernière heure