Page:A la plus belle.djvu/31

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et fort, qui est noble comme vous et moi. Il a nom le comte Otto Béringhem ; il est venu d’Allemagne avec les pèlerins du mont. Si je connais l’Homme de Fer ! Dieu merci je connais tout le monde !… Hola ! reprit-il en s’interrompant, voilà maître Jeannin qui va montrer à messire Aubrv comment on pique un Anglais de droit fil ! Voyez, voyez, noble dame, quel homme d’armes fait ce Jeannin ! Vous iriez à Paris, la grande ville, avant de trouver son pareil !

Mme Reine fronça le sourcil et tourna la tête.

Jeannin avait pris, en effet, du champ et venait au galop sur la quintaine. Il était incliné sur le garrot de son cheval, et tenait sa lance de manière a frapper le mannequin de bas en haut, de faire ce beau coup qui consistait à enlever l’Anglais, le Sarrasin, ou tout autre coquin de son pivot et à le lancer sur le sable.

Messire Aubry suivait, attentif.

Fier-à-Bras avait raison, il était impossible de voir un cavalier plus parfait que Jeannin : force, grâce, adresse tout était en lui. Son corps souple suivait les mouvements du cheval, comme si les quatre jambes du vigoureux destrier eussent été la base naturelle de ce torse harmonieux et robuste.

Le vent de la course prenait ses cheveux blonds, dont les anneaux se jouaient sur l’acier étincelant du casque.

Mme Reine avait la tête tournée en sens inverse, mais, néanmoins, elle voyait tout cela. Personne n’ignore que le regard des dames se moque de toutes les lois de l’optique. Mme Reine haussa les épaules.

En ce moment, la lance de Jeannin toucha la quintaine sous le menton, juste au centre de gravité, l’enleva à dix pieds du sol et la jeta au loin.

— Bravo ! cria Fier-à-Bras.

— Bravo ! cria Aubry.

Jeannine frappa ses deux petites mains blanches l’une contre l’autre.

— Merci Dieu ! dit Mme Reine avec impatience ; voici un bel exploit, maître Jeannin ! Vous sied-il bien à votre âge de