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V


OÙ FIER-À-BRAS L’ARAIGNOIRE TIENT LE DÉ DE LA
CONVERSATION


Fier-à-Bras s’emplit la bouche de venaison et fit mine de se donner tout entier à son appétit. Il avait éveillé l’attention, excité l’impatience ; il pouvait manger à son aise. Autour de la table on attendait. Jeannin surtout fixait sur le nain ses grands yeux où la curiosité se montrait franchement.

Le nain tenait rigueur.

— Que parlais-tu du roi Louis de France, enfant ? demanda enfin Mme Reine ?

— Ah ! répliqua l’Araignoire, on dit ceci et cela, vous savez bien, noble dame. Il y a tant de bavards ici-bas ! Je pense que le soleil d’aujourd’hui va hâter la moisson, n’est-ce pas vrai ?

— Tu disais ?…

— Oui, oui !… Quant à dire, voyez-vous, il y en aurait pour jusqu’à demain ! Tous ces pèlerins qui viennent on ne sait d’où, d’Italie, d’Allemagne, de Bohême, pour s’agenouiller dans la basilique de Saint-Michel, tous ces pèlerins étrangers ont chacun deux ou trois histoires. Et figurez-vous que les hôtelleries d’Avranches et de Pontorson regorgent, mais ce n’est rien On voit des tentes le long de la côte depuis Couesnon jusqu’à la Sée. Le vieux père Bruno prétend que le nombre de ces errants s’élève à trente mille.