quand on a un fils de dix-huit ans qu’on voudrait mettre sur un trône, tant on l’adore, cet enfant-là !. Un chevalier connu personnellement du duc François… chéri de ses pairs, idolâtré de ses vassaux…
— Où est-il ce gentilhomme ? demanda Gillot vivement.
— Où il est, mon compère Gillot, de Tours en Touraine, dit Bruno avec un sourire sec. Il est là où nous irons tous, sur la semaine ou bien le dimanche, comme disait le greffier Rocher, qui était en même temps marguilier de l’église de Fougères. Il est au cimetière, là-bas, en la paroisse du Roz, qui était de son domaine.
Pierre Gillot avait froncé légèrement le sourcil.
— Ah ! mais ! s’écria le moine, voilà qui faisait un chevalier, ce messire Aubry de Kergariou ! le petit Jeannin, du bourg des Quatre-Salines, que j’appelais autrefois Peau-de-Mouton (à cause qu’il en portait une trouée en guise de surcot, mon compère) et qui est aujourd’hui un homme d’armes aussi robuste que Dunois ou Pothon, mais je parle du temps passé, le petit Jeannin m’a conté la mort de messire Aubry… Ah ! mon compère Gillot, de Tours en Touraine, sa mort fut celle d’un héros et d’un saint ! Ce fut devant Montlhéry, cette nuit où le roi Louis abandonna son camp et son armée pour se sauver en Normandie…
Pierre Gillot se détourna et fit mine de regarder la mer par la petite croisée de la cellule.
— Messire, Aubry, continua Bruno, avait été séparé de ses bonnes lances, il était entouré par les Français qui ne donnaient guère merci aux Bretons, vous le savez bien ; messire Aubry était seul avec Maître Loys, son grand lévrier noir, qui ne le quittait jamais et qui était déjà vieux. Ce maître Loys a laissé une chienne, Dame-Loyse, qui est au logis là-bas. Donc, la lance de messire Aubry se brisa, son épée se rompit, sa hache d’armes tomba en morceaux avant qu’il eût une seule blessure. Mais quand sa main fut désarmée, on le perça tout à loisir. Le petit Jeannin courait les champs à la recherche de son maître ; il le trouva au milieu d’une demi-douzaine de Français morts.