Page:A la plus belle.djvu/90

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des extrémités toujours fâcheuses. L’habit que nous portons commande une grande réserve. Tu n’es pas méchant au fond, mais tu es inconsidéré…

— Allons, vas-tu nous prêcher un sermon d’une heure ! Fais plutôt comme moi, et dis tes oraisons.

Frère Bruno se tut en homme qui ne veut pas pousser à bout un adversaire entêté.

En ce moment son regard, qui parcourait la grève avec distraction, fut attiré par les brillantes étincelles jaillissant des casques et des cuirasses d’une troupe d’hommes d’armes. Cette troupe sortait du Mont-Saint-Michel et se dirigeait vers le Couesnon. Elle était composée de soldats du roi de France. À quatre ou cinq cents pas, à gauche de cette troupe, un homme chevauchait tout seul sur un bidet de bien humble apparence. Il portait une casquette dont la visière descendait sur ses yeux, un surcot brun et des chausses couleur de poussière.

— Tiens ! tiens ! se dit frère Bruno ; mon compère Gillot n’a pas perdu de temps ! Le voilà qui chemine déjà vers le manoir du Roz. Mais où vont les soudards ?

Les soudards suivaient à peu près la même direction que le bon compère Gillot ; mais ce dernier n’était évidemment pas en leur compagnie.

Il passa le Couesnon à gué. Bruno le vit entrer dans les terres cultivées, sous le village de Saint-Jean.

Les soudards continuaientde suivre la lisière des grèves.

— C’est égal, pensa frère Bruno, je vais piquer une épingle dans la manche de mon froc, afin de songer à lui demander le nom du chien, quand il me rapportera mon rosaire.

Et il ajouta, en forme de résumé final :

— Un 3, un 4, un 0. Philippe, roi de Macédoine, père d’Alexandre le Grand, son ministre (pas de nom encore, comme c’est incomplet !) la femme du ministre (de nom, pas davantage !) le cousin (dans ce pays-là, ils n’avaient peut-être pas de nom !) mais si fait, puisque ce Patte-d’or s’appelait Fillot.