bonne taille, car il retient sa langue à l’heure même où on le pique !
— Que veux-tu dire ? demanda Jeannin, tu parles toujours en paraboles.
— Je veux dire que vous vous entendez bien à enlever la quintaine, mais…
Il s’arrêta. Jeannin le prit dans ses bres et le regarda en face.
— Il y a donc quelque chose qui m’échappe ? demanda-t-il.
Aubry était à la gêne.
— Il y a, répondit le nain, que sur la route de l’Islemer, un bonhomme chevauche en ce moment sur un pauvre méchant bidet du pays avranchain. Cet homme-là demande tout le long du chemin par où il faut passer pour gagner le manoir du Roz. Il a des éperons d’or, non point à ses talons, mais dans sa poche… des éperons d’or qui pourraient bien s’attacher aux brodequins de maître Jeannin, si maître Jeannin le voulait !
Aubry haussa les épaules avec humeur.
— Par le diable ! tu t’expliqueras, s’écria Jeannin qui lui serra les poignets.
— Mon brave compagnon, répondit le nain, la lisière de la forêt est ici, à vingt-cinq pas, sur la droite. Vas-y tu verras la route de l’Islemer, le bonhomme et son méchant bidet !
Jeannin, sans lâcher Fier-à-Bras, se dirigea vers la lisière du bois. À peine dépassait-il les derniers arbres, qu’il aperçut, au bas de la montée, un voyageur vêtu d’un pauvre surcot de drap brun, et coiffé d’une casquette à bateau.
— Holà ! mon maître ! cria le voyageur ; pour aller au manoir du Roz, s’il vous plaît ?
Dans sa surprise. Jeannin ouvrit ses deux mains. Le nain sauta sur le gazon et se prit à gambader sur la mousse.
— Messire, messire ! dit-il à l’oreille d’Aubry qui s’approchait pensif et soucieux ; nous en verrons bientôt de belles ! Mais je suis un homme et je m’intéresse à vous ; n’ayez pas peur !