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blement à ma souffrance ; les buissons se vêtent de joie lorsque je passe. Une âme nouvelle s’éveille en moi plus jeune, plus tendre, plus vaillante. Je brûle d’une noble pitié pour les hommes et pour les choses.

L’azur qui me ceint me purifie de ses clartés. Je marche dans une floraison parfumée de fraisiers et de violettes. Les sapinières onduleuses m’ont dit les sanglots d’Atys, et je m’égaie, avec les nymphes des bois, à voir les hêtres dormeurs se pavoiser parfois d’éclairs. Les sentiers s’ourlent de gentianes azurées ; dans l’herbe, Dieu me parle par la voix des sources douloureuses. Des sonnailles au cou de génisses blanches tintent matin et soir, un angelus divin.

J’aime à vivre la vie libre et fière des pasteurs. Près du ciel nos âmes simples fraternisent. Je partage leur repas patriarcal fait de laitage, de pain bis et d’eau claire. Ils me troublent par la douceur et l’harmonie de leurs mélopées mélancoliques, il y réside une simplesse qui va au cœur. J’adore leurs belles voix mâles, leurs gestes amples et solennels où revit l’orgueilleuse