Page:Abbé du Prat - Vénus dans le cloître ou la Religieuse en chemise, 1920.djvu/91

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bois qu’elle fit remplir d’eau, et où elle mit ces langoustes (c’est ainsi qu’on appelle ces animaux). J’aurais de la peine à t’exprimer tous les soins qu’elle apportait pour leur conservation, jusques à leur jeter des douceurs et des pistaches. Enfin, elle ne voulait les nourrir que des viandes les plus délicates.

Agnès. — Ces sortes de passe-temps sont innocents, et sont excusables dans la jeunesse.

Angélique. — Hier au soir, par un malheur, sœur Olinde, qui avait ordre de changer tous les jours l’eau de la cuve pour le rafraîchissement des poissons, s’en oublia ; c’est ce qui causa tout le désordre. Tu sauras que la nuit dernière ayant été fort chaude, une de ces langoustes qui se trouvait incommodée par la chaleur qu’elle ressentait, sortit de la cuve, et se traîna assez longtemps par la chambre, jusqu’à ce que, se voyant sans soulagement, elle rechercha l’eau qu’elle avait quittée comme son plus naturel élément. Mais comme il lui avait été bien plus facile de descendre que de monter, elle fut obligée de recourir à l’eau du pot de chambre de madame, , sans examiner si elle était douce ou salée, elle se posta. Quelque temps après notre abbesse eut envie de pisser, et, à demi endormie et sans sortir du lit, elle prit son urinal ; mais, hélas ! elle pensa mourir de frayeur ! Cette écrevisse, qui se sentit arrosée d’une pluie un peu trop chaude, se lança vers le lieu d’où elle semblait partir et le serra si vivement avec une de