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DOUZE ANS DE SÉJOUR

encore le guez ou langue sacrée, qu’on ne parle plus sur le haut deuga ; les Bilènes, identiques peut-être avec les Blemmyes des Romains ; les Kamtas, qui perpétuent près du Lasta une des plus belles races de l’Afrique ; les Gafates du Wadla, qui n’ont conservé de la langue antique d’autres vestiges que des chansons officielles ; les Gafates du petit Damote, le Falacha et Quimante du Dambya, et les Sinitchos de la rive gauche de l’Abbaïe. Si l’on joint à tous ces noms de tribus ou de langues, les Tegraïens, les Amaras et les Ilmormas, l’on aura une idée sommaire de la diversité des sujets de l’ancien Empire éthiopien.

Avant de terminer cette description d’un pays encore peu connu, malgré tous nos efforts, il est bon d’insister sur un trait physique qui domine sur toute la partie occidentale et septentrionale de cette longue ligne de frontières. Là, les hernes n’ont pas été créées tout-à-fait par le génie de conquérants stupides : si ces hernes sont désertes, c’est qu’elles sont, aujourd’hui du moins, inhabitables ; c’est qu’au milieu d’une végétation luxuriante, foulée seulement par la bête féroce ou par les rares caravanes de hardis trafiquants, des influences mystérieuses donnent, pendant dix mois de l’année, la mort aux voyageurs. En attendant que les hommes de l’art puissent aller savoir, sans y périr eux-mêmes, quel genre de maladie attend l’être humain qui traverse ces hernes, même en courant, on se bornera à émettre l’hypothèse que cette insalubrité a dû aider les Éthiopiens à résister aux Musulmans des kouallas et à garder les trésors sacrés de leurs libertés et de leur foi chrétienne.

Comme on doit le pressentir, la configuration de l’Éthiopie, formée de contrées d’altitudes si diffé-