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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

déprécie ceux qui ne naissent pas de plain pied avec lui, il reconnaît au fond leur supériorité ; il cherche à contracter avec eux des alliances de famille, à se ménager chez eux un abri et des ressources contre les mauvais jours ; il tourne en ridicule leur naïveté, leur étroitesse d’esprit, traite leurs mœurs d’incivilisées, mais il craint et estime au fond les hommes du koualla et redoute ceux du deuga, comme formant la pépinière d’où sortent ses maîtres et ses conquérants.

À ces traits distinctifs des populations des contrées deugas, waïna-deugas et kouallas, on pourrait en ajouter bien d’autres, tant le moindre changement dans les conditions de son existence peut modifier l’être humain, variable à l’infini et échappant d’autant plus à la définition et au classement, que tout jugement est conjectural ou porte sur des formes changeantes, comme l’onde qui s’entr’ouvre et se referme de mille façons diverses sous la quille des vaisseaux qui la sillonnent. Aussi, ne me serais-je peut-être pas hasardé, d’après mes seules observations, à diviser une population entière en trois classes, basées non-seulement sur les différences sensibles aux yeux, mais encore sur les nuances morales, si je n’avais eu, pour me guider, l’expérience d’indigènes réputés sages et habiles dans les choses de leur pays. C’est donc surtout d’après leurs jugements, que j’ai tracé les trois portraits typiques, autour desquels gravitent les ressemblances individuelles. Du reste, ces populations s’harmonisent merveilleusement avec les contrastes qu’offre la nature physique du pays ; et s’il est vrai que l’uniformité ne retient que faiblement les affections ; qu’il leur faille des inégalités, des aspérités même où se