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DOUZE ANS DE SÉJOUR

rière des armes offre le seul refuge à ceux qui ont souci de leur dignité ; aussi les camps renferment-ils, à quelques exceptions près, l’élite de la nation. Les cognats de la famille impériale dont le nombre est grand, se font presque tous soldats. Leur origine leur assure la considération, et, pour peu qu’ils déploient des qualités personnelles, les plus brillantes perspectives s’ouvrent devant eux. De cette classe sont sortis la plupart des Ras, Dedjazmatchs ou autres Polémarques remarquables, comme aussi les femmes les plus célèbres par leur beauté, leur esprit et, il faut le dire aussi, par leurs désordres. À ces princes et princesses on donne le titre qualificatif de Waïzoro, de même qu’aux agnats impériaux des deux sexes, et leurs concitoyens traitent encore avec une déférence marquée ceux qui ont droit à ce titre, quoiqu’ils l’aient vulgarisé en le donnant à presque toutes les femmes, tout comme en Europe on l’a fait de Madame.

Les agnats impériaux ne pouvaient avoir aucune dotation territoriale. Ils ne possédaient la terre que par héritage maternel ou du chef de leur femme, et dépendaient, par conséquent, des libéralités de l’Empereur régnant. La chute de l’Empire les a mis dans un dénûment complet. Les plus dignes et les plus heureux sont ceux qui vivent de la culture d’un matrimoine d’ordinaire fort restreint. D’autres ornent de peintures les murs des églises ou les livres de piété, ou copient des livres d’heures, les relient même ; d’autres encore sculptent de petits objets en bois ou peignent des diptyques. Ils vivent petitement du produit de ces industries, les seules qui, aux yeux de leurs compatriotes, ne les fassent pas déroger. D’après la croyance populaire, quand la famille