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DOUZE ANS DE SÉJOUR

de Gondar et du Dambya, sur la rive occidentale du lac Tsana. Pour nous faire honneur, le Dedjadj Conefo nous adjoignit une soixantaine de cavaliers et trois cents hommes de pied, qui marchaient en avant-garde et bouleversaient les villages par leur indiscipline.

En traversant le Dambya, je pus juger de la fertilité proverbiale de cette province. Le pays est peu accidenté, presque sans arbres ; sa terre noire, profondément crevassée pendant l’été, était littéralement couverte de moissons. Les fièvres y sont endémiques dans plusieurs localités ; les chevaux ne s’y propagent pas ; ils y sont même très-sujets à une espèce de farcin, mais la population abonde. Comme dans les Kouallas, les hommes y sont de taille plutôt petite, souples, actifs, colères et portés à la guerre ; ils vivent dans des hameaux épars çà et là, ce qui indique tout à la fois la sécurité et l’abondance.

Le deuxième jour, nous arrivâmes à Ysmala, petite ville dont l’église jouit d’un droit d’asile assez respecté. Nous fûmes reçus par le principal notable, qui mit d’autant plus d’empressement à nous héberger qu’il entretenait avec le Dedjadj Guoscho des relations amicales.

J’avais demandé à loger seul dans une petite hutte, et je soupais, lorsque j’entendis un grand tapage chez notre hôte, où le Lidj Dori et son monde festinaient. J’y trouvai tout en tumulte : des soldats, brandissant la javeline ou le sabre, débitaient avec frénésie leurs thèmes de guerre ; de grandes cornes d’hydromel circulaient dans l’assemblée. Mon drogman m’apprit que le lendemain nous aurions probablement à combattre un vassal rebelle du Dedjadj Guoscho, nommé Aceni-Deureusse. Des espions envoyés par notre hôte venaient d’annoncer qu’Aceni, embusqué sur notre