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DOUZE ANS DE SÉJOUR

m’entourer dès l’instant de ma chute, d’autant plus intempestive, que le désir de me protéger pouvait amener le combat sur place. Peu après cet incident, nous arrivâmes en vue de notre camp établi sur des collines. Les Gallas, nous ayant harcelés encore un peu, s’arrêtèrent et nous donnèrent l’adieu, en poussant des cris, mêlés d’injures et d’éloges. La nuit tombait lorsque nous rentrâmes. Les chefs étaient tout glorieux d’avoir détruit du même coup une idole païenne et un monument de la conquête musulmane, et de ramener tous nos piétons, après avoir déjoué en plaine les efforts de plus de 2,000 cavaliers ennemis. Chacun était d’autant plus satisfait, que si les Gallas eussent réussi à engager le combat sur place, pas un de nous probablement n’eût rejoint l’armée.

Il semblera peut-être, vu notre infériorité numérique et les conditions défavorables dans lesquelles nous eûmes à opérer, que c’est grâce au manque de décision de nos adversaires que nous avons pu exécuter notre retraite. Il n’en est rien cependant. En Éthiopie, dans presque toute l’Afrique, en Arabie et dans la plupart des contrées d’Asie, prévaut le principe instinctif, que toute impulsion violente s’usant d’elle-même, il faut attendre, pour la combattre, que sa force initiale soit affaiblie. C’est ce même principe appliqué à la conduite des affaires, qui donne aux diplomates de ces pays une supériorité mise trop souvent au service de mauvaises causes. Quoique les Éthiopiens, en grande majorité, n’emploient que l’arme blanche, il est rare qu’ils répondent à une attaque de façon à s’entrechoquer du premier coup. Le combat débute, en général, par un échange plus ou moins répété d’attaques, de retraites et de retours offensifs ; et ces préliminaires amènent le combat