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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

camps étaient négligés ; malgré une pluie pénétrante, beaucoup de soldats, plutôt que de se construire une hutte, se pelotonnaient à plusieurs sous quelque abri portatif ou se recoquillaient sous leur bouclier. Des chefs ne purent retrouver leurs tentes, d’autres leurs provisions ou leurs gens de service ; on pataugeait dans la boue, on se cherchait, on s’entre-appelait de tous côtés. La tente du Prince fut assiégée de messagers, accourus de toutes parts pour l’informer des événements survenus durant notre absence. On m’apprit que le sommier portant ma tente s’était abattu et avait dévalé toute une montée.

— Sais-tu dormir quand tu n’as pas dîné ? me dit le Prince. Je doute que nous trouvions à manger ce soir, car tout le service du gobelet est encore en route, et les drôles s’abriteront sans doute dans quelque village. Cette pluie va durer toute la nuit ; tu resteras avec moi ; nous causerons pour chasser la faim et le froid.

Il faisait nuit, lorsque les gens d’un gouverneur des environs, resté pour garder le pays, arrivèrent chargés de provisions de bouche pour le Prince. Leur maître, retenu chez lui par une ophtalmie, demandait que j’allasse lui donner quelque remède.

— Va, va, me dit le Prince, je voudrais pour ce soir n’être pas Dedjazmatch, et avoir tes recettes, afin de me reposer, moi aussi, chaudement et bien repu.

Après environ une demi-heure de marche, je mis pied à terre devant une grande et confortable maison. On s’empressa autour de moi ; le gouverneur fit sortir son cheval favori de sa stalle, pour y mettre le mien, et me jeta sur les épaules une de