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DOUZE ANS DE SÉJOUR

nent ; puis, dans toutes les directions, une quantité de huttes, cases et cassines vides, attendant leurs propriétaires, dispersés en subsistance ou dans leurs fiefs, formaient comme une petite ville.

Il est à présumer qu’un géologue expliquerait par le voisinage d’un ancien volcan la configuration du sol de Goudara, et la nature de ses rochers ressemblant à des scories. Les indigènes, eux, se contentent de la tradition locale, selon laquelle la plate-forme, les fossés et la rampe seraient l’ouvrage de Ahmet-Gragne : surpris par la nuit, lorsque fuyant avec une poignée de soldats devant une armée ennemie, il aurait roulé en un tas, et disposé comme on les voit, les rochers des environs, afin d’abriter son sommeil. En tout pays, comme par une tendance invincible vers cet avenir qui lui permettra de se jouer en maître de ce qui lui fait obstacle aujourd’hui, l’homme se complait à créer des personnalités plus grandes que nature ; s’il manque de héros, il en invente ; s’il s’en présente, il les grandit d’attributs merveilleux et les encadre de tout ce qui lui paraît extraordinaire. Novice au milieu de la création, sa fiction se joue d’abord de la matière et de ses empêchements ; jusqu’à ce qu’un jour la connaissance des lois impérieuses qui la régissent, le porte à se réfugier dans le domaine spirituel, où il trouve des attributs dont il grandit et transfigure les natures d’élite qui excitent son admiration. C’est ainsi que les légendaires éthiopiens, rapportant au héros musulman du Harar jusqu’aux accidents de leur sol convulsionné par les volcans, l’ont grandi au point d’en faire comme le géant traditionnel de leur histoire.

Autour de Goudara, le pays est doucement accidenté, boisé et fertile ; on découvre, à l’Est, les collines