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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

qui entourent la source de l’Abbaïe, et les paysages sont à la fois riches, placides et austères. Nos chevaux et nos mules allaient se ravigourer dans de plantureux pâturages, noyés d’eau pendant l’hiver et réputés, avec raison, pour refaire promptement les animaux épuisés. Les communications étaient sûres, aucun chef rebelle n’infestait les routes ; la présence d’innombrables troupeaux nous promettait le beurre et le laitage à profusion ; l’Agaw-Médir, tout voisin, devait nous fournir à bas prix un miel réputé pour ses parfums, ainsi que des moutons et des bœufs à la chair savoureuse ; les récoltes avaient été d’une abondance exceptionnelle ; toutes les conditions matérielles enfin nous garantissaient le repos et le bien-être.

Je fus logé dans une grande case située entre la maison du Dedjazmatch et celle de la Waïzoro-Sahalou, sa femme. Cette case avait été construite avec recherche, dans la pensée qu’elle leur servirait de lieu de réunion. La Waïzoro, qui nous avait devancés à Goudara, reprit, à mon égard, ses attentions bienveillantes : matin et soir, elle faisait prendre de mes nouvelles, et s’informait de ce dont je pouvais avoir besoin. La plupart des chefs étant dispersés dans leurs investitures, le Prince vivait moins entouré. Dès le chant du coq, il donnait audience aux appelants, aux plaignants et réclamants de toute sorte ; puis, il expédiait quelques affaires avec ses Sénéchaux, déjeunait et employait à ses loisirs le reste de la journée ; deux fois par semaine seulement il tenait son plaid. Je commençais à parler l’amarigna, et à me passer d’interprète ; mes relations avec le Dedjazmatch devinrent plus fréquentes et plus intimes ; j’étais régulièrement de ses repas et de ses veillées ; le reste de mon temps était pris par des visiteurs, la lecture et les soins à