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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

tables chargés de la garde des deux frères, les emmenèrent, et le Prince et ses familiers prolongèrent la veillée, mais sans reprendre leur gaîté habituelle.

En Éthiopie, la détention permanente n’est appliquée qu’aux crimes ou délits politiques ; dans presque tous les autres cas, elle n’est que préventive. Comme l’obligation d’arrêter un criminel incombe à tout citoyen ; que le droit de juger au civil peut être attribué à presque tous ; que l’homme de guerre, investi de préférence de ce droit, est sujet à des déplacements fréquents ; de plus, comme les bâtiments sont trop peu solides pour résister à la moindre tentative d’évasion, on a pourvu à cet état de choses par l’usage d’emmenoter le prisonnier et de le garder à vue ou de le lier à un gardien, la relégation proprement dite n’existe pas. Une chaîne longue de deux coudées environ, terminée à chaque extrémité par un fort anneau, est fixée par un bout au poignet droit du prisonnier et par l’autre au poignet gauche de son gardien. Cette espèce de prison vivante et ambulante a l’avantage de soustraire le prisonnier, s’il est coupable, à un isolement dépravant ; et s’il est innocent, elle le soumet à une position fâcheuse, il est vrai, mais qui ne porte à sa dignité qu’une atteinte légère. Le captif volontaire vivant à côté d’un coupable, l’empêche de se confirmer dans sa perversité, et contribue à faire germer en lui le repentir ou le remords. Le prévenu éprouve d’ailleurs une difficulté plus grande à dissimuler sa faute, et quelle que soit son irritation contre un homme ou contre la société, elle tend à s’adoucir par le contact avec ses concitoyens. Un homme enchaîné attire l’attention de tous ; chacun s’informe de la cause de son arrestation, on s’approche de lui, on le questionne en