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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

guide dans le bien ; qu’il t’affranchisse des mauvais ; qu’il épargne ceux que tu aimes, et qu’il te rapproche d’eux. Va ; et ne nous oublie pas.

À chacun de ces souhaits, Ymer répondait : Amen ! Et voyant que j’hésitais à sortir, il me dit vivement :

— Prends-le, embrasse-le, tu ne sais donc pas qu’il faut oser pour lui ?

Le Prince sourit et me donna l’accolade.

Un grand nombre de notables m’attendaient à cheval sur la place ; ils m’entourèrent et nous nous frayâmes lentement un passage à travers les gens de l’armée accourus de toutes parts. À la sortie du camp, des bandes de fantassins et de cavaliers venus pour me faire aussi la conduite se joignirent à nous, tant on mettait d’émulation à plaire au Dedjazmatch en me rendant ces honneurs extraordinaires, car j’étais loin de connaître personnellement tout le monde.

Après un quart-d’heure de marche environ, je fis halte, et selon l’usage, je dis aux principaux chefs :

— Mes seigneurs, je vous en prie, par la mort de Guoscho, retournez-vous en !

— Par la mort de Guoscho, non, non ; allons ! répondirent-ils.

Et on allait, sans parler, lorsqu’une poétesse qui montée en croupe derrière un soldat, semblait chercher des inspirations en chantonnant des lieux communs sur un ton plaintif, m’interpella tout à coup :

— N’as-tu pas vergogne, dit-elle, de déserter de la sorte notre maître, resté seul dans sa tente ? Et ne sommes-nous pas dignes de pitié de nous affliger ainsi, un lendemain de victoire, pour le départ d’un seul homme ?

Je répondis qu’eux étaient moins à plaindre que moi, puisqu’ils étaient si nombreux pour se partager