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DOUZE ANS DE SÉJOUR

mier plateau éthiopien. À l’endroit où nous nous trouvions régnait l’été ; à quelques kilomètres plus haut on était dans l’hiver. Après une averse torrentielle tombée sur le plateau du deuga, il arrive parfois que les eaux, suivant de toutes parts les pentes de terrain, se rencontrent dans quelque carrefour, d’où elles se précipitent dans le bas pays avec une soudaineté telle que les serpents et même le lion, la panthère ou le singe sont surpris et entraînés jusqu’à la mer. Lors de mon arrivée dans le pays, on parlait encore d’une caravane qui, surprise ainsi durant la nuit, perdit plus de deux cents hommes et un nombre considérable de chameaux et de charges d’ivoire.

Cependant, les eaux baissèrent ; deux heures après, nous pûmes reprendre notre marche et nous gagnâmes enfin Maharessate.

Les parents de la jeune fille volée, qui avaient tout promis pour sa rançon et pour les dépenses que j’aurais à faire pour la découvrir, vinrent me la demander en alléguant leur misère : je refusai ; et quelques jours après, ils revinrent accompagnés d’amis de Bahar Négache, m’offrir une faible partie de ce que j’avais déboursé pour eux. Indigné de leur procédé, mais dédaignant d’invoquer le bénéfice de leurs propres lois, je leur rendis leur fille.

Peu de jours après, une grande caravane vint camper près de Maharessate ; elle arrivait du Gojam, et elle était forte, disait-on, de six cents hommes armés de boucliers, ce qui avec les esclaves, les porteurs et les sommiers supposait au moins treize cents ou quatorze cents personnes. Une quarantaine de pèlerins pour Jérusalem s’étaient joints à elle. Les principaux trafiquants se réunirent et vinrent me faire visite ; ils me surprirent dans une prairie où je courais une quintaine avec mes