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Le feu sultan m’accorda un traitement de quatre dînârs par jour, me désigna comme demeure son palais particulier et me fiança avec la fille de Hadji Mohammad Assaffar. Le jour de mon mariage, il me gratifia de cent dînârs d’or et d’un magnifique habillement. Peu de temps après, ma femme mit au monde un fils que j’appelais Mohammad pour lui obtenir les bénédictions attachées au nom de notre prophète Mohammad.


CHAPITRE II


CE QUI M’ARRIVA SOUS LES RÈGNES DE ABOU’L ‘ABBAS AHMAD
ET DE SON FILS ABOU FARIZ ‘ABD AL-‘AZÎZ.


Cinq mois après ma conversion à l’Islâm, le sultan me donna le poste de chef des douanes[1], pensant que dans cette place j’apprendrais vite la langue arabe, à cause des nombreuses relations entre Chrétiens et Musulmans, auxquels je devais servir d’interprète.

J’appris parfaitement l’arabe au bout d’une année[2].

J’assistai à cette époque à la descente de la flotte des Gênois et des Français à Al Mahdiyya[3], étant chargé de la traduction des dépêches qu’ils envoyaient au sultan. Peu de temps après, Dieu les ayant humiliés, ils se dispersèrent.

  1. C’était un des postes des plus importants de la Tunisie. Plus d’une fois, sous la dynastie des Beni Hafs, il fut occupé par des membres de la famille régnante.
  2. Comme nous l’avons déjà dit, le style d’Abd Allah, quoique correct en général, laisse beaucoup à désirer.
  3. Ou El Mahedia, à 328 kilomètres de Tunis, est encore une ville assez importante. Mais elle est bien déchue ; l’ancien port, dont on voit encore des ruines grandioses, est presque entièrement ensablé. La ville doit son nom à Obaid Allah, surnommé El Mahdi, fondateur de la dynastie des Fatimites, qui en fit la capitale de l’Afrikiya. Le géographe arabe Aboul Feda l’appelle une des plus belles villes du monde. Sous le règne de Abou’l-Abbâs Ahmad, dit l’auteur déjà cité, Ibn Aboû Dînâr, les Gênois et les Français (un autre auteur tunisien, El Mas‘oudi, dit les Génois et d’autres) arrivèrent en quatre-vingts bandes devant El Mahdîyya, où ils restèrent deux mois. Le sultan avant envoyé une armée contre eux, les obligea, après plusieurs batailles, de s’en retourner frustrés dans leur attente. D’après M. Abel Clarin de la Rive, Histoire générale de la Tunisie, p. 250, les Français, alliés aux Génois, étaient commandés par le duc de Bourbon Philippe d’Artois. À la remarque des Tunisiens, pourquoi les Français leur faisaient la guerre, les barons français donnèrent pour motifs que les Musulmans avaient crucifié Jésus-Christ et qu’ils ne croyaient ni au baptême, ni à la Vierge. Réponse qui faisait rire les Tunisiens, vu, disaient-ils, que ce n’étaient pas eux qui avaient crucifié Jésus-Christ, mais les Juifs.