Page:Abd-Allâh ibn Abd-Allâh - Le présent de l'homme lettré.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’attaquèrent et s’en emparèrent aussitôt que l’équipage musulman s’en fut éloigné.

Notre seigneur Aboû Fâris ordonna au chef de la douane et à ses assistants de se rendre à la Goulette et de négocier avec les Chrétiens au sujet du rachat de la cargaison appartenant aux Musulmans. Ils partirent et demandèrent l’amân[1] au drogman chrétien. L’amân leur ayant été accordé, ils montèrent aux vaisseaux des Chrétiens et commencèrent les négociations. Les Chrétiens exagérant leurs prétentions, il fut impossible d’obtenir quoi que ce fut.

Par ces vaisseaux était arrivé un prêtre très considéré de la Sicile, avec qui j’avais été lié d’une amitié vraiment fraternelle du temps où nous étudiions ensemble. Il avait entendu parler de ma conversion à l’Islâm et cela lui avait été très pénible. Il était venu par ces vaisseaux dans l’intention de me ramener à la religion chrétienne, comptant sur notre ancienne amitié. Se trouvant seul avec l’interprète qui était monté à bord, il lui dit : Comment t’appelles-tu ? L’interprète lui répondit : ‘Alî. Eh bien, ‘Alî, lui dit-il, prends cette lettre et remets-la au kâïd ‘Abd Allah, chef des douanes ; prends aussi ce dînâr et quand tu m’auras apporté la réponse, je te donnerai un second dînâr.

Ayant pris la lettre et le dînâr, l’interprète se rendit à la Goulette et informa le chef des douanes de tout ce qui était arrivé ; puis il l’informa aussi de ce que lui avait dit le prêtre, de la lettre qu’il lui avait remise et du dînâr qu’il avait reçu en récompense. Le chef des douanes prit la lettre, la fit traduire par quelques marchands gênois et envoya l’original et la traduction à notre seigneur Aboû Fâris.

Celui-ci l’ayant lue, m’envoya chercher. Admis en sa présence, il me dit : Ô ‘Abd Allah, cette lettre est arrivée par mer, lis-la et fais-nous savoir ce qu’elle contient. Je la lus et me mis à rire. — Qu’est-ce qui te fait rire ? me demanda le sultan. — Que Dieu nous protège ! lui répondis-je. Cette lettre m’a été expédiée par un prêtre qui fut jadis de mes amis, je vais vous la traduire, avec la permission de Dieu. M’étant assis près de lui, je la traduisis en arabe, et lui en remis la traduction. Il la lut et dit à son frère Ismâ‘îl : Par le Dieu Tout-Puissant, il n’en a pas omis une lettre. — Ô seigneur, m’écriai-je, comment le sais-tu ? — Par un autre exemplaire, traduit par les Gênois,

  1. Un sauf-conduit.