Page:Abd-Allâh ibn Abd-Allâh - Le présent de l'homme lettré.djvu/54

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Jean dit à la fin de son évangile[1] : « Jésus dit aux Apôtres : je m’en vais vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu », voulant dire par mon Père et votre Père, mon Maître et le vôtre, car dans ce temps on s’exprimait ainsi. Mais si les chrétiens veulent déduire de ce passage que Dieu est le père de Jésus, nous leur objectons que dans ce cas Dieu est leur Père au même titre, parce que Jésus a dit : mon Père et votre Père. Jésus a pris soin lui-même, au reste, d’ôter toute équivoque en ajoutant : mon Dieu et votre Dieu. Il ne reste donc dans ce verset aucune prétention à la divinité.

Au chap. X[2] de l’évangile de Matthieu, nous lisons : « Jésus dit aux Apôtres : Qui vous reçoit et vous donne l’hospitalité, me reçoit et me donne l’hospitalité et qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé », et au chap. V de l’évangile de Jean : « Jésus dit : Je ne suis pas venu pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m’a envoyé » et à la fin de l’évangile de Marc[3] « Jésus, attaché au bois de la croix (selon eux), s’écria : mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ! » Ce fut d’après l’évangile sa dernière parole dans ce monde, mais cette parole il ne peut pas l’avoir dite ! Dieu ne peut pas avoir abandonné Jésus, pas davantage que les Juifs n’ont pu avoir le dessus sur lui au point de le crucifier. Si nous nous sommes servi de ce verset, dans notre argumentation contre les chrétiens, c’est uniquement parce qu’il se trouve dans les textes des évangiles qu’ils ont entre les mains, et qu’il témoigne contre eux ; car Jésus, invoquant Dieu dans ses angoisses et s’écriant : « Mon Dieu, mon Dieu », se justifie lui-même de toute prétention à la divinité. En me servant, dans ma réfutation des dogmes chrétiens, de citations de ce genre, je n’ai d’autre but que de convaincre les chrétiens, tout en faisant mes réserves sur leur authenticité.

Il en est ainsi encore de ce passage de Luc à la fin de son évangile : Après sa résurrection Jésus entra chez les Apôtres qui s’étaient réunis dans une chambre haute dont ils avaient fermé les portes. Quand il fut entré, les Apôtres eurent peur de lui, car ils le prenaient pour un fantôme d’ange ou d’esprit. Jésus s’en étant aperçu leur dit : « Ô vous, touchez-moi et sachez que les esprits n’ont ni chair

  1. XX, 17, où cette parole s’adresse non aux Apôtres, mais à Marie Madeleine.
  2. Var. : VII.
  3. XV, 34.