Page:Abeille - Coriolan, 1676.djvu/93

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Sa flame avec le temps ſe ſeroit ralentie.
Rendez-le moy, cruelle, ou m’arrachez la vie.


CAMILLE.

Perdons-la toutes deux, ou vangeons ſon trépas :
Mais ne m’imputez point des ſentimens ſi bas.
Si je vous diſputois l’empire de ſon ame,
Ce n’eſtoit point ſa mort que pourſuivoit ma flame.
J’ay voulu l’emporter ſur vous par mon ſecours,
Et meriter ſon cœur en défendant ſes jours.
J’arrivois au moment qu’accablé par le nombre,
Connu par ſa valeur malgré l’horreur de l’ombre,
Sur cent morts, vils objets de ſon dernier courroux,
Ce Heros eſt tombé percé de mille coups.
Auſſi-toſt ſur l’amas de ce cruel carnage
La douleur & l’amour m’ont ouvert un paſſage.
Sa mere s’efforçoit le ſerrant dans ſes bras,
En arreſtant ſon ſang d’arreſter ſon trépas.
J’ay joint mes cris aux ſiens, mes ſoins à ſa foibleſſe,
Et tel eſt mon mal-heur que malgré ma tendreſſe,
J’ay veu dans ſes regars plus ardens & plus doux
Qu’il croyoit, me voyant, jetter les yeux ſur vous.
Cette erreur réveillant les reſtes de ſa flame,
Sur ſa lèvre mourante a ſuſpendu ſon ame,
Et tiré de ſon cœur ce dernier ſentiment :
I’obeys, Virgilie, & meurs en vous aimant.


VIRGILIE.

Ah ! mon amant vivroit s’il vous avoit aimée.
C’eſt moy…


CAMILLE.

Profitons mieux du trouble de l’armée
Signalons noſtre amour, non par ce deſeſpoir
Dont les timides cœurs ſe forment un devoir.
Vous, imitez ſa mere. Elle remporte à Rome
Les reſtes glorieux de ce valeureux homme.