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LE DOIGT

parce qu’il avait un tilbury et des chevaux, quand j’allais toujours à pied ; celui-là parce que je refusais de gueuser à ses côtés, et que, la nuit, je n’osais pas demander l’aumône aux passans, qui souvent la faisaient par crainte. Enfant, je me rappelle confusément qu’un certain luxe m’entoura ; jeune, je fus placé dans un collège, où je me fis un nom parmi mes camarades. Un beau jour le directeur me dit : « Jules, votre pension ne sera plus payée ici, vous n’êtes plus mon élève. Votre protecteur est mort ; j’ai ordre de vous remettre cette légère somme : adieu ...»

» Il me remit en effet cent francs, ce brave directeur, et nous nous quittâmes. J’arrivai à Paris. Je vécus trois mois avec ces cent francs. Quand ils furent dépensés, je me plaçai au coin d’une borne, et j’attendis... Les marchés publics ne laisseront personne mourir de faim à Paris. Je fréquentai les marchés publics... Un fruit gâté, les débris d’un dîner de goujat et l’eau d’une fontaine ... Ce fut ma vie de plus