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HISTOIRE DU FÉMINISME

« Mais quand bien même la présomption sur la nature des femmes serait fondée, quand bien même en effet la maternité serait pour presque toutes les femmes la vocation unique et exclusive, — et ce dernier point surtout n’est pas démontré, — il y aurait injustice pour les particuliers et dommage pour la société à élever des barrières qui défendent à certains individus de tirer tout ce qu’ils peuvent de leurs facultés. » Cette exclusion des femmes est, dans la société moderne, un fait isolé, puisque tout individu est accessible à tous les emplois. Et d’autre part la quantité d’individualités capables de faire du bien à l’humanité n’est pas tellement grande que celle-ci puisse se priver sans dommage des services que pourrait lui rendre une moitié d’elle-même.

Arguments qui semblent irréfutables. Mais si ceux-là ne suffisent, Stuart Mill en a d’autres en réserve. D’aucuns se demandent quel avantage résultera pour le monde de la libération des femmes. D’abord, la disparition d’une grande injustice, dont l’exemple est sur la moralité publique de l’effet le plus fâcheux ; ensuite, par la réforme du mariage, la suppression de tant de douleurs cachées, aussi poignantes, dit, non sans exagération d’ailleurs, Stuart Mill, que celles qui accompagnèrent l’esclavage des nègres ; enfin la mise au service de la collectivité humaine de qualités précieuses dont, aujourd’hui, elle ne fait aucun usage : le génie intuitif, mobile, de la femme, son aptitude à saisir l’aspect concret des choses, le côté pratique d’une question. Avec le contrepoids féminin, la balance de l’humanité sera mieux équilibrée et le monde y gagnera. Stuart Mill semble bien avoir prévu le rôle de patientes ména-