Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/141

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Guillelmine tenta de réaliser ses idées. Peu à peu la petite Église s’agrandit ; et elle attira non plus seulement les femmes du peuple, mais les bourgeoises, femmes de riches marchands, mais des jeunes gens de l’aristocratie, tel Matteo Visconti. Dans la demeure d’un des fidèles se déroulaient toutes les cérémonies du culte nouveau. On baptisait les catéchumènes au nom du Saint-Esprit. Guillelmine et Manfreda, évéques de la foi nouvelle, ordonnaient des prétresses, voire des prêtres. Enfin l’on célébrait l’office divin. Autour du pontife féminin et de son vicaire se rangeaient les apôtres et les docteurs de la loi.

À la fin du treizième siècle, Guillelmine quitta son Église milanaise pour aller porter en Angleterre et en Alsace son Évangile. Après sa mort, survenue à Colmar, ses disciples italiens la canonisèrent, puis attendirent sa résurrection. Mais bientôt les malheurs fondirent sur les Heureux et les Heureuses. Car « Dieu, dit un pieux chroniqueur, ne pouvait longtemps tolérer dans une ville chrétienne le triomphe de pareilles abominations ». En 1300, la secte fut dénoncée à l’Inquisition, qui ouvrit un vaste procès. Les fidèles qui, nombreux, confessèrent leur foi, ceux qui témoignèrent avoir vu Guillelmine descendre sur la terre sous la forme d’un éclair fulgurant, ceux qui préparaient, pour le grand jour de sa résurrection, dalmatique de pourpre et sandales d’or ne furent d’ailleurs condamnés qu’à des peines légères. Seuls Manfreda et un autre apôtre montèrent sur le bûcher.

Ainsi, suivant l’expression des historiens du dix-septième siècle, Guillelmine voulut « faire tomber