Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/197

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Mary Woolstonccraft a flétri une société qui force « tant de femmes à user leur vie dans le chagrin », et si elle veut que les femmes envoient des représentantes au Parlement, — car naturellement elle réclame, discrètement d’ailleurs, les droits politiques, — c’est pour qu’elles défendent, contre l’égoïsme de l’homme, les grands intérêts féminins.

Un féministe prussien. — En face de Mary Woolstonecraft, qui écrit avec son indignation et sa douleur, l’Allemand Théodore de Hippel apparaît comme un dilettante. Et c’est bien en effet un dilettante que cet étudiant allemand qui, après avoir parcouru le monde, devient ambitieux par amour et, sans trop de conviction, monte dans la carrière administrative pour finir sa vie bourgmestre de Kœnigsberg et président des États de Prusse-Orientale. Cet homme, au caractère fertile en contrastes et qui sembla s’attacher à tous les systèmes philosophiques, à toutes les morales, apparaît comme une sorte de Voltaire germanique qui, avec une ironie supérieure, mais dont, comme chez Voltaire même, la froideur fond devant l’injustice, s’amuse des contradictions de la société où il vit. Déjà, en 1774, il a écrit sur le Mariage et lancé à son sexe quelques dures vérités ; déjà, chemin faisant, il a rompu en faveur de la femme quelques lances. En 1790, il écrit, sous l’anonymat, son livre sur l’amélioration du sort de la femme au point de vue du droit de cité[1]. Cet

  1. Littéralement, l’Amélioration citoyenne des femmes (Bürgerliche Verbesscrung der Weiber).