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LES MÉTAMORPHOSES DU FÉMINISME FRANÇAIS


Alors qu’en Angleterre, en Amérique, en Australasie, on en est déjà aux réalisations, les féministes de France en restent encore aux vains espoirs. Et la France d’où, avec Christine de Pisan, Poulain de la Barre, les Saint-Simoniens, a jailli l’idée, la voit éclore et fructifier sur d’autres terres. Toujours le féminisme français apparaît comme en retard d’un temps, ou de deux, sur les autres féminismes. Il en est ainsi en 1870 ; il en est ainsi encore en 1921. C’est là un fait d’autant plus curieux qu’à l’aube des temps modernes nulle femme au monde n’était plus instruite et, malgré les lois napoléoniennes, nulle, en fait, plus émancipée que la Française.

Peut-être est-ce là justement l’une des causes, et la principale, des arrêts brusques qui ont coupé chez nous le développement du mouvement féminin.

Libre chez elle, et à l’extérieur adulée, la grande dame française, la bourgeoise ne s’intéresse guère aux revendications soulevées par quelques femmes qu’elle considère comme des excentriques ou des exaltées ; l’ouvrière est lente à prendre conscience, sinon de sa misère, du moins de l’injustice de son sort. Pays traditionaliste d’ailleurs et, en dépit de ses révolutions, plus qu’aucun autre, la France s’est