Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/271

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habituée à considérer le féminisme, qu’elle ne voit surgir qu’aux heures révolutionnaires, comme dangereux pour la solidité de la famille et le salut de l’État. Après chaque grande crise, la réaction le balaye, et l’étouffe dans le silence et dans l’oubli. Alors qu’en Angleterre, en Amérique, en Suède, le féminisme gagne peu à peu, dans l’opinion publique et la vie nationale, son droit de cité, en France, tout est toujours à recommencer. Jusqu’au début du vingtième siècle, ni les hommes politiques, ni la masse masculine et féminine ne se sont habitués aux théories féministes, et, pendant de longues années, tout apôtre de l’émancipation des femmes se heurte aux mêmes indignations, aux mêmes sarcasmes, à la même indifférence qui ont brisé les efforts des précurseurs.

Essayer de suivre, à travers toutes ses phases, le féminisme français, c’est refaire en petit toute l’histoire du féminisme depuis les origines.

Comme sous Louis XV, les femmes sont, sous Napoléon III, l’un des ressorts essentiels de la politique ; si l’impératrice Eugénie ne peut se comparer à Mme  de Pompadour, ni son brillant entourage aux femmes d’un esprit lumineusement hardi et pratiques que Concourt a dépeintes, du moins les cocodettes ne le cédèrent-elles pas aux caillettes pour la passion de la politique et le goût des intrigues. Dans une sphère un peu inférieure se meut la bourgoise, satisfaite comme son mari de faire de fructueuses affaires — car les femmes ont participé à la