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HISTOIRE DU FÉMINISME

vage ou le mépris transcendant de l’homme qui fait les vierges fortes. Même parmi celles-là, combien peu désirent, en outre, l’émancipation politique dont elles ne comprennent pas encore la portée ! Sans doute, parmi les intellectuelles, avocates, doctoresses, professeurs, des apôtres convaincues du suffrage, et qui comprennent que par le suffrage elles obtiendront enfin dans la société leur vraie place. Mais combien de femmes aussi qui, pratiquement, sont féministes, puisqu’elles vivent indépendantes de l’homme, et qui, femmes de lettres ou artistes, mettent une sorte de coquetterie à éloigner de la femme l’urne électorale comme un affreux calice et à reléguer leurs sœurs au foyer !… En revanche, il est vrai, bien des bourgeoises qui, près d’un mari qu’elles aiment et entourées d’enfants, mènent la vie antique de la matrone au foyer, se prononcent pour l’émancipation avec toutes ses conséquences.

Pour les hommes politiques, parlementaires ou conseillers municipaux qui, individuellement et en théorie, se proclament assez volontiers féministes, les voilà qui, une fois réunis en leurs assemblées, éprouvent une singulière timidité et, semble-t-il, quelque honte à s’avouer adeptes de Stuart Mill. On croirait que, au fond, la question féministe ne leur paraît ni importante ni sérieuse et que s’ils se sont déclarés partisans du suffrage féminin, c’est par galanterie pure et pour ne faire aux déléguées des groupes féministes, parfois charmantes, qui les interviewaient, nulle peine, même légère… Quelle ardeur, lorsqu’ils rompent des lances pour ou contre la représentation proportionnelle, à se lancer dans des discussions byzantines sur le quotient électoral,