Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bientôt, et à mesure que dans leurs emplois, humbles d’abord, la capacité des femmes s’affirme, à mesure aussi que l’élite, comme la masse masculine, se creuse de vides sanglants, les femmes voient s’ouvrir devant elles des portes jusqu’ici obstinément fermées. Ni électrice ni éligible, la femme française est mairesse de villes et de villages ; elle est, en l’absence de son mari, notaire, chef d’entreprise industrielle, voire, dans tel village des Cévennes protestantes, pasteur. Le gouvernement l’appelle dans les lycées de garçons, lui accorde, à la sortie de l’École centrale ou de l’École de chimie, le titre d’ingénieur, lui confie, avec le titre de médecin-major, la direction d’hôpitaux militaires, la fait siéger dans les conseils de guerre. L’Allemagne confie à des femmes de l’aristocratie, parentes de généraux illustres, la reconstitution de la Prusse orientale ; la Russie tsariste nomme des femmes professeurs d’université, ingénieurs, architectes ; l’Angleterre les place à la tête d’établissements industriels (telles usines, où tout le personnel directeur ou ouvrier est exclusivement féminin, apparaissent comme un vrai royaume des femmes), leur ouvre ses observatoires, ses écoles de télégraphie sans fil, les appelle avec miss Stevenson au cabinet ministériel, en fait, nous l’avons vu, de véritables sous-secrétaires d’État, les envoie en missions diplomatiques. Dans la plupart des pays elles accèdent au barreau longtemps interdit.

En trois ans, elles ont réalisé autant de progrès qu’en cinquante ans de lutte. Mais ces progrès ne leur apparaissent pas comme suffisamment assurés. Les hommes qui, contraints, ont accepté leur colla-