Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/124

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cune de ces dames coûte 2 000 francs par an et ainsi de suite[1] ».

Les titulaires de tous ces postes y tiennent jalousement et le roi ou la reine même se résolvent difficilement à déplacer l’une d’entre elles. Lorsqu’en octobre 1749, on désire pourvoir Mme  d’Estrades de la charge de sous-gouvernante et dame d’atour de Mesdames au détriment de la titulaire, Mme  de la Lande, il faut user avec celle-ci de diplomatie et lui faire entrevoir la nécessité des puissants appuis dont elle a besoin pour assurer le mariage de son petit-fils, pour l’amener à donner elle-même sa démission[2].

Aussi la maison féminine de chaque princesse, celle de la reine, celles des belles-sœurs du roi, celles des filles du roi comptent chacune une vingtaine de dames d’honneur ; elles sont, en même temps que le centre d’intrigues politiques, une très lourde charge pour l’État.

Les femmes nobles de naissance ne sont pas les seules à mener la vie de Cour. Et la fusion entre les classes, qui commence à se manifester dès le xviie siècle, s’aperçoit sous Louis XV plus nettement. Un très grand nombre, parmi les secrétaires d’État, sont d’origine roturière, tels Amelot et Rouillé, ou appartiennent à la bourgeoisie parlementaire, tels Machault ou Chauvelin. Ceux-ci ont pris, pour la plupart du temps, leurs femmes dans la riche, mais moyenne bourgeoisie. Chauvelin, par exemple, avait épousé la fille d’un négociant d’Orléans, M. Demoutiers. Les femmes de Rouillé et d’Amelot appartenaient, elles aussi, à la moyenne bourgeoisie. Le marquis d’Argenson épouse la fille de l’intendant Méliand.

Ces nouvelles nobles conservent d’ailleurs de leur origine un ton et des allures qui les font regarder de haut par les femmes bien nées. On remarque que, pour tenir son rang à la Cour, Mme  Rouillé, « affolée du bon air », ruine son mari ; que Mme  Amelot, elle, contiune d’avoir comme une petite bourgeoise la préoccupation de son ménage et de sa maison. Le marquis d’Argenson fait au sujet de sa femme la même remarque. Elles n’en sont pas moins reçues à la Cour. Si des bourgeoises pénètrent par le titre ou l’office de leur mari au milieu de la société noble qui leur fait une place de plus en plus large, on voit aussi des jeunes filles de grandes maisons épouser des bourgeois, surtout lorsque ces bourgeois sont de gros financiers. La même année, trois jeunes filles de la plus ancienne noblesse, Mlles  de Béthune, de la Tour du Pin, de Rochechouart, épousèrent trois traitants de marque.

  1. D’Argenson. Loc. cit.
  2. Ibid.