Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/161

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de Necker dont elle soutient d’abord la politique, même lorsque celle-ci, avance M. de Ségur, vise à la réduction des dépenses de la Cour[1]. Son entourage la pousse alors à intervenir dans la nomination des ministres. Elle ne parvient pas, il est vrai, à porter au ministère de la marine, comme le lui suggérait le baron du Besenval, Emery, sentinelle avancée du parti de Choiseul[2]. Mais, selon les dispositions prises par la coterie des Polignac, elle y place le comte de Ségur, S’il faut en croire des témoins bien informés, elle n’agit d’ailleurs, en cette affaire, qu’à son corps défendant, sur les sollicitations de Besenval et des Polignac.

« La reine, dit Mme Campan, pleurait de faire des ministres ; elle pleurait surtout quand les hommes de sa société la forçaient d’agir. » Et, à propos de cette nomination de M. de Ségur où elle prit part malgré elle, elle s’écria : « On reproche aux femmes de se mêler d’affaires et ce sont les hommes qui se servent de leur ascendant pour des choses dont elles ne devraient pas s’occuper[3]. » De fait l’intrigue, qui aboutit à la nomination de Ségur et où la reine intervint malgré elle, faillit amener une brouille entre elle et Mme de Polignac. Le public, cependant, en jugea autrement que la reine. Celle-ci passa à Paris pour avoir nommé directement le comte de Ségur et le comte de Castries[4]. De fait, à partir de ce moment, l’influence politique de la reine grandit. Il y eut un parti de la reine. Ce parti se contenta d’ailleurs de soutenir le parti de Necker et il est impossible de voir dans son action, qui se traduisit surtout par des conflits personnels avec le parti de Mme de Maurepas, l’indice d’une politique personnelle. La reine ne représente pas encore, comme on l’a cru longtemps, le parti opposé aux réformes. Au contraire, elle soutient Necker très activement et lorsque celui-ci, découragé par l’opposition qu’il rencontra auprès du Parlement et dans le ministère même, voulut donner sa démission, elle essaya d’abord de l’en détourner[5] et, devant l’inflexibilité de sa résolution, versa des pleurs.

La nomination de Calonne ne fut pas l’ouvrage de la reine, tous les contemporains sont d’accord sur ce point. Lorsque les Polignac

  1. De Ségur. Au couchant de la monarchie.
  2. Besenval. Loc. cit.
  3. Mme Campan. Souvenirs.
  4. Ibid.
  5. De Ségur, Au couchant de la monarchie et Lettre de Mercy Argenteau à Joseph II, du 21 avril 1781. (Corresp. de Merey Argenteau).