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Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/181

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L’activité, l’esprit d’intrigue de Mme de Pallières, châtelaine de Serqueux, près Bourbonne en Lorraine, se dépense aussi en intrigues et en procès qui la mènent jusqu’à Paris et à la Cour. Demeurée seule dans son manoir, « son mari et ses deux fils servant le roi à l’armée », non seulement Mme de Pallières conserve jalousement, comme Mme de Saint-Martin, le domaine familial et, pour ce, engage de nombreux procès, mais elle est à la Cour l’avocat de toute la famille. « Cette femme au cœur fier, à l’esprit résolu, roule sans cesse de Paris à Versaille[1] », obtenant des ministres grâces et pensions : pour son mari, quinze cents livres sur la marine, pour son beau-frère, l’abbé de Pallières, le renouvellement de son bénéfice de Theuley, qu’il avait imprudemment abandonné, le soutenant ensuite dans ses luttes contre son prieur et ses moines, n’épargnant ses courses ni à l’intendance de Châlons, ni à Versailles, et n’interrompant la poursuite de l’affaire où son beau-frère a décidément gain de cause, que pour voler au baillage de Langres où elle soutient des procès.

Mais les femmes qui durent vivre seules sur leurs terres ne se contentèrent pas de défendre en égoïstes leurs intérêts familiaux. Elles nous apparaissent bien souvent comme préoccupées de mettre en valeur leurs domaines, non seulement selon une antique routine mais dans un esprit de progrès, tirant parti de toutes leurs ressources, améliorant leur sol seules ou avec des collaborations masculines, recherchant ou appliquant des nouveaux procédés agricoles, créant des industries, désireuses enfin de donner aux populations dont elles ont la charge la prospérité.

Mme de Seré de Poursin, Mme d’Ounous, Marie Rivais de Paulon, seigneuresse de Daumazan, propriétaires campagnardes de l’Ariège, se livrent, en exécution de l’édit de 1776 sur les terres en friche, à des défrichements[2]. Mme de Seyssel élabore avec son mari un projet de flottage des bois sur le Doubs[3].

Quelques-unes semblent avoir particulièrement à cœur le bienêtre de leurs paysans.

Mme Chavanion de Lafayette, sur ses terres d’Auvergne, peu fertiles et souvent menacées de famine, veut faire régner l’abondance. Elle forme le projet de mettre en réserve les grains fournis par ses domaines particuliers pour les distribuer, pendant les années de disette, « aux misérables emphytéotes de qui elle les a reçus ».

  1. Georges Mangeot. Autour d’un foyer lorrain.
  2. Arch. Départ., Ariège, B. 140.
  3. Arch. Départ., Côte-d’Or, C. 104.