Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/187

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sonnellles que par sa liaison avec Grimm et par son amitié avec Rousseau et Diderot ; nous la retrouverons.

Mme  Helvétius, qui, elle aussi, tint un salon des plus brillants, trancha parmi les personnes de son siècle par son goût d’indépendance. « Elle s’est, dit un contemporain, faite libre au milieu de ses semblables, toutes esclaves[1] », et elle prétendit appliquer, à la conduite de sa propre famille, les théories qu’elle s’était faite sur les droits des femmes ; elle déclara aux divers prétendants de ses filles qu’ils avaient à agir chacun pour leur compte et que ce seraient elles qui choisiraient leurs époux.

À ces deux exceptions près, aucune individualité marquante chez les financières ; les unes prennent le ton, les manières et l’existence brillante des femmes de qualité auxquelles elles ouvrent leurs salons et qui ne dédaignent pas d’y fréquenter. « Mme  de Martinville reçoit les Laval, les la Trémoille, les Chastellux ; chez Mme  Grimod de la Reynière qui, il est vrai, est une Jarente, défilèrent les femmes lettrées les plus brillantes : les comtesses de Renty et de Ségur, la marquise d’Albert, la maréchale de Boufïlers, Mmes  de Genlis et de Staël[2]. »

Fréquentant assidûment les femmes de Cour, ces financières prennent leur goût du plaisir et leur morale facile : Mme  d’Epinay, à qui du reste son mari, comme tous les fermiers généraux, donnait l’exemple, est une grande amoureuse. Mme  de la Poplinière fut célèbre par ses aventures vaudevillesques avec le maréchal de Richelieu.

Cependant, la plupart d’entre elles menaient une vie austère et dévote, subventionnant les œuvres charitables, aidant généreusement les curés de leur paroisse à faire des aumônes. « Les cruches du curé de Saint-Roch ou de Saint-Eustache », comme les appelait Louis XV, consacraient leur fortune à mainte œuvre pie et au soulagement des misères. Dons aux hôpitaux, dotation de filles pauvres, tel est l’usage qu’une Mme  Savagette, par exemple, fait de sa fortune. De telles charités, d’ailleurs assez discrètement accomplies, sont, comme l’autre face, moins brillante, modeste, mais d’une grande importance sociale, des prodigalités des financiers. Avec la financière, on voit poindre l’une des manifestations de l’activité féminine les plus heureuses et qui est étrangère ou presque aux femmes de la Cour, la bienfaisance.

  1. Thirion. La vie privée des financiers au xviiie siècle.
  2. Carré. Loc. cit.