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Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/216

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elles-mêmes leurs vie, on s’apercevra que la plupart d’entre elles existent au xviiie siècle déjà, et se réunissent pour pousser, toujours plus nombreuses, les femmes au travail.

Tout d’abord, l’exercice de la maîtrise d’un métier qualifié est à la fois une charge, une propriété et un privilège, La femme hérite de cette propriété, de cette charge, de ce privilège, sous certaines conditions.

Toutes ou presque toutes, les veuves de patrons, de maîtres, suivant l’expression de l’époque, sont donc amenées à exercer le métier tenu avant elles par leurs maris ou, du moins, à participer à son exercice par la surveillance, le contrôle qui leur est attribué sur celui auquel elles viennent de céder l’atelier ou la boutique de leurs maris.

D’autre part, la grande cause de l’entrée de la femme dans l’industrie a été de tout temps l’insuffisance du salaire marital. Ce qui est vrai au xixe siècle ou au début du xxe l’est, à plus forte raison, au xviiie. Peut-être relativement plus élevés qu’au milieu du xixe siècle, si on a égard au prix de la vie, les salaires des ouvriers étaient cependant insuffisants pour leur permettre de faire vivre une famille. Sans doute s’apitoie-t-on beaucoup moins alors sur la misère de l’ouvrier que sur celle des paysans, pour laquelle les philosophes réservent toute leur sympathie, et aucun écrivain ne signale-t-il expressément que la femme travaille pour augmenter le salaire familial. C’est là, cependant, chose de toute évidence, et, du nombre des femmes qui travaillent dans toutes les branches de l’activité économique, nous devons conclure qu’il ne s’agit pas de quelques isolées, mais de la masse des femmes du peuple qui fut, de par les conditions économiques de l’époque, contrainte à contribuer pour sa part à l’entretien de la famille, soit en aidant le mari dans l’exercice de son métier, soit en en exerçant un autre.

Il y a cependant, comme au xixe siècle, des isolées, filles de la campagne attirées par la grande ville, veuves, vieilles filles, filles séduites et abandonnées. Pour celles-là, « femmes seules » et qui ne peuvent compter sur le secours de l’homme, le travail est une absolue nécessité et, avec une plus dure rigueur que jamais, pour elles, le dilemme se pose : travailler ou mourir de faim.

D’ailleurs, si un grand nombre de femmes sont dans la nécessité impérieuse de trouver du travail, les besoins économiques, toujours croissants depuis le xvie siècle, exigent le travail féminin dans la plupart des régions où commence à se développer la grande industrie : Amiens et la campagne picarde, Lyon, Paris, le Languedoc,