Aller au contenu

Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

i. Les femmes dans les corporations de métiers avant 1776

À la veille des réformes de Turgot, la vie professionnelle reste organisée suivant les cadres qu’a tracés le moyen-âge. Lorsqu’au xiiie siècle, saint Louis et le prévôt des marchands de Paris, Etienne Boileau, réorganisèrent les corps de métiers, il n’existait que quelques corporations exclusivement féminines (filanderesses à grands et à petits fuseaux, tisserandes de soie, linières), et, en outre, des corporations mixtes (chauciers, patenôtriers), où les femmes étaient admises et pouvaient exercer la maîtrise.

Au xviiie siècle, comme au xiiie siècle, rares sont les corps de métiers exclusivement féminins. À Paris, seules les couturières, les filassières, les lingères, les bouquetières, sont de ce nombre[1]. Dans les provinces, ce sont à peu de chose près les mêmes corps de métiers qui nous apparaissent comme exclusivement féminins. Ces corporations ont leurs chartes, les unes sont de date fort ancienne (celles des lingères remonte à 1485), les autres plus récentes. Tel est le cas, par exemple, de celle des couturières, dont la corporation ne fut organisée qu’en 1675. Ces corporations féminines semblent assez nombreuses si l’on juge par le nombre de maîtresses que chacune comportait. Au milieu du xviiie siècle, on compte à Paris cinquante maîtresses filassières seulement, mais huit cents maîtresses lingères et quinze cents maîtresses couturières[2]. Sans doute chacune de ces maîtresses n’est pas à la tête d’un très nombreux personnel. Chacune d’entre elles a cependant plusieurs ouvrières ou apprenties. Telle importante maison, d’ailleurs, comme celle de Mme Bertin, la marchande de modes de Marie-Antoinette, comptera jusqu’à trente ouvrières. Les deux importantes corporations des lingères et des couturières de la capitale comptent donc chacune plusieurs milliers de femmes.

Dans les provinces, le nombre des ouvrières couturières ou lingères est moins grand. Cependant, non seulement la plupart des villes importantes, Lyon, Rouen, Rennes, Orléans, mais encore un très grand nombre de petites villes, Annonay, Coutances, Charleville, possèdent des maîtresses lingères et couturières[3]. Dans telle ville il est vrai (Coutances), les couturières forment une cor-

  1. Jéze. Loc. cit.
  2. Ibid.
  3. Arch. Départ., passim.