Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/25

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se dégagent. « Il importe d’établir parmi les hommes une raison souveraine qui les rende capables de juger sainement et sans prévention ». Cette raison souveraine, elle peut être l’apanage des deux sexes, à condition qu’on veuille bien abolir la frivolité qui règne dans l’éducation de la femme pour la remplacer par une forte et philosophique instruction.

Il faut d’abord, et ce sera l’affaire d’un certain nombre de femmes formées spécialement pour cette mission, de munir la femme « des principes premiers nécessaires à la connaissance de nous-mêmes et à celle de la nature ». Car l’une ne va pas sans l’autre et celui ou celle qui sait se connaître soi-même sait aussi connaître le monde extérieur. « Les principes de toutes les sciences, dit, avec un esprit bien cartésien, Poulain de la Barre, sont compris dans la connaissance de nous-mêmes. Munie de ces premiers principes, c’est-à-dire pourvue d’un raisonnement juste et d’un sens droit, la femme pourra aborder les livres et la nature, étudier la géométrie, la philosophie, les sciences.

Nulle différence essentielle dans ce programme que développe éloquemment et clairement Stasimaque et celui que l’on pourrait tracer aux jeunes gens.

Il doit former l’honnête homme, l’honnête femme. Car, dit le traité de l’Égalité, ce n’est pas pour l’utile seulement qu’il faut rechercher la science. Celle-ci doit permettre aux deux sexes de bien conduire leur vie et de trouver leur bonheur dans la pratique de la vertu. Mais combien il est important pour les femmes de se mettre au même niveau que leurs maîtres d’aujourd’hui ! C’est l’infériorité d’instruction qui fait l’infériorité des femmes dans la famille comme dans la société. Si les femmes étaient plus instruites, il y aurait moins de ménages malheureux.

En principe, donc, l’instruction servira aux femmes, comme aux hommes, d’ailleurs, à bien conduire leur vie et à réaliser plus facilement la vertu et le bonheur.

Mais pourquoi les femmes ne mettraient-elles pas, si besoin était, les qualités ainsi acquises au service de la société ? Qu’elles soient capables de jouer un grand rôle social, c’est ce que l’examen impartial des faits démontre. Car, dépourvues comme elles le sont d’instruction, les femmes, déjà, se montrent aptes à la conduite des plus importantes affaires et leurs qualités propres les prédisposent à l’étude de toutes les sciences.

« Dans le mariage, les femmes sont capables de conduire une maison à l’âge où les hommes ont encore besoin d’un maître… Presque toutes les maisons ne sont réglées que par des femmes et le soin qu’elles