Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/272

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xii. Les paysannes

La vie des paysannes est bien moins connue, naturellement, que celle des citadines, La paysanne n’attire l’attention des contemporains ni par une place bien en vue dans la société, ni par la rapidité de ses changements de condition, ni par l’éclat de ses infortunes. Elle semble n’avoir pas d’histoire et il est difficile de saisir les traits caractéristiques de son existence. Pourtant elle joue son rôle, humble et effacé, sans doute, mais néanmoins très grand de collaboratrice de l’homme dans sa lutte contre la terre et, comme telle, elle mérite de retenir notre attention.

Il est évident d’ailleurs que l’on ne saurait que faire œuvre artificielle et toute littéraire en essayant de tracer un portrait de la paysanne.

La classe la plus nombreuse de la nation et qui comptait à elle seule sans doute dix fois plus de femmes (comme d’hommes) que toutes les autres classes de la population réunies, ne saurait être représentée par un type uniforme. La variété de la vie, comme celle des conditions, est très grande ; la situation de fortune, la différence des coutumes et des mœurs provinciales influent sur cette condition, sur cette vie qui cependant présente quelques traits communs.

Restif de la Bretonne, porté à exagérer l’horreur de sa condition, comme il a fait de celle de l’ouvrière, la dépeint comme si grossière, si avilie, qu’elle est « au-dessous de la fille sauvage… Elle a souffert de la faim, elle est courbée de bonne heure sous les fardeaux. D’aspect repoussant, elle n’est aimable que si on la compare au garçon[1] ». De là à la paysanne de Greuze il y a loin. Lequel a raison ? Sans doute l’écrivain doit-il être plus près de la réalité. Cependant si le peintre idéalise, il n’invente pas toutes les pièces. À l’époque où il compose son tableau, un effort de relèvement des campagnes a été fait sous l’influence des doctrines physiocratiques et les femmes en ont bénéficié comme les hommes. Auparavant même, il existe dans telles provinces, parmi les paysannes, des femmes gracieuses et parées à qui une certaine aisance permet un luxe relatif.

Le trait caractéristique de la vie intérieure des paysannes semble être la passion pour le confortable. Toutes celles à qui leur

  1. Restif de la Bretonne. Les Parisiennes.