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Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/330

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de l’Édit de Nantes, où les édits étaient appliqués avec rigueur, les assemblées se tenaient parfois dans des maisons particulières. Souvent des femmes prêtèrent leurs demeures pour ces assemblées. En 1706, à Montpellier, un prêche se fait dans la maison d’Isabelle Rion[1]. La même année une assemblée se tient à Alais dans la maison de la veuve Verdier[2].

Pendant tout le cours du xviiie siècle et malgré les peines qu’elles encouraient de ce fait, les femmes assistèrent nombreuses aux assemblées qui se tinrent dans toutes les provinces.

En 1754, moment où recommencent les persécutions violentes, une infinité de femmes se trouvent enfermées dans les couvents ou les hôpitaux du Languedoc (Tarbes, Cahors, Montauban, Carcassonne), du Dauphiné (Die, Vienne) et de la Saintonge. Nous savons que l’on punissait ainsi leur assiduité aux assemblées.

Sans que l’on puisse déterminer exactement dans quelle mesure l’élément féminin assistait aux assemblées du désert, on peut du moins supposer qu’il était aussi largement représenté que l’élément masculin. Sans doute toutes les femmes qui se rendaient au désert ne faisaient pas acte d’héroïsme, car le plus souvent leurs assemblées n’étaient pas troublées. Mais il pouvait arriver qu’elles le fussent : les hommes étaient passibles des galères et les femmes s’exposaient à la réclusion dans un couvent ou un hôpital et souvent à une très dure prison. L’inégalité du traitement que, d’ailleurs sans raison apparente, on faisait subir aux prisonnières, est éclatante. Celles-ci sont gardées quelques années dans un couvent, en butte aux sollicitations des supérieures et des prêtres, qui espèrent les ramener à l’Église romaine. Les reconnaît-on inébranlables, on recommande de les relâcher pour ne pas accroître leur aversion pour la religion catholique[3].

Mais d’autres languissent dans d’affreuses prisons comme la tour de Constance, géhenne où, depuis 1686, gémissent, accompagnées par le mugissement lugubre de la mer, de malheureuses femmes. Dans ce noir donjon, isolé au milieu d’un paysage sinistre, avec sa grande salle ronde sans autre meuble qu’un banc de pierre circulaire, percée d’étroites meurtrières qui laissent filtrer un pâle jour, « murée d’une porte effroyable, on croit lire l’inscription du Dante : Lasciate ogni speranza, voi’ch entrate » [4]. Là, en 1769, quatorze

  1. Arch. Départ., Hérault, C. 186.
  2. Ibid., C. 187.
  3. Coquerel. Loc. Cit.
  4. Dépêche de M. de Saint-Florentin à l’intendant du Languedoc, citée par Coquerel.