Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/333

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les hommes, et en dépit des inconvénients plus grands encore qui résultent pour elles d’un mariage clandestin, ne veulent se marier que devant leur pasteur. En 1750, on évaluait à 100 000 le nombre des mariages faits au désert[1].

Se mariaient-elles devant le prêtre catholique, elles retournaient bientôt devant le pasteur pour faire bénir à nouveau leur union. « Sur deux cents couples qui se marient en face de l’église, il n’en est pas deux, dit l’évêque d’Alais, qui persévèrent dans le catholicisme[2] ».

Il faut le signaler une fois encore : à cette résistance passive, les femmes avaient plus de mérite encore que les hommes, l’état présumé de concubinage n’ayant pas pour eux les graves inconvénients juridiques qu’ils entraînaient pour leurs compagnes.

Aussi la question des mariages protestants se posa-t-elle, vers la fin de l’ancien régime, avec acuité. Les évêques, les autorités administratives, les écrivains constataient quel très grave inconvénient il y avait à laisser des centaines de milliers de couples protestants, qui refusaient absolument même le simulacre de mariage devant le prêtre, privés de toute pièce constatant légalement le mariage, et les enfants qui naissaient de ces unions, dépourvus d’état-civil. Plusieurs mémoires furent lancés où l’on pouvait voir « qu’il était de l’intérêt de l’Église et de l’État de faire cesser ces sortes de mariages, en établissant pour les protestants une nouvelle forme de se marier qui ne blesse pas leur conscience et qui n’entame point celle des curés et des évêques » [3].

Le plus détaillé de ces mémoires, dû à la plume de M. Beer, aumônier du roi de Suède, exposait que le mariage étant distinct du sacrement du mariage, et celui-ci n’étant pas nécessaire pour donner à celui-là sa valabilité civile, le roi devait établir pour ses sujets protestants une nouvelle forme de mariage consistant dans la publication de bans et la comparution devant un magistrat[4].

Le mémoire fut lu et commenté. Les écrivains catholiques le réfutèrent et des polémiques assez longues s’engagèrent. Malgré les velléités assez timides manifestées par le gouvernement royal, lorsqu’au cours de la guerre de Sept Ans, il crut avoir besoin de capitaux protestants et chercha à obtenir leur concours par des concessions,

  1. Beer. Mémoires historiques et politiques, au sujet des mariages clandestins des protestants de France.
  2. Ibid.
  3. Ibid.
  4. Ibid.