Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/335

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Dans les nouvelles loges, dites d’adoption, les femmes peuvent parvenir aux trois grades d’apprenties, de compagnonnes, de maîtresses. Au premier degré de la hiérarchie, la candidate, « qui doit être saine et sans grossesse » et être présentée par un frère qui répond d’elle, subissait les épreuves d’initiation, revêt la jarretière et le tablier et promet « de se taire sur les saints mystères et de travailler au bonheur de ses frères et de ses sœurs ».

Elle n’est encore qu’une novice qui n’a aucun rôle dans la direction de la loge. Les compagnonnes et surtout les maîtresses (celles-ci reçoivent la truelle symbolique qui est l’un des insigne de commandement ) tiennent au contraire une place fort importante et considérée comme telle par les frères maçons. « C’est, écrit l’un d’eux, … nos sœurs qui ont apporté avec elles un cœur qui renferme les cinq colonnes de notre ordre : vertu, silence, charité, tempérance, fidélité, que vos sérieuses applications cherchaient avec soin et qu’elles ne trouvaient pas pour soutenir et servir de base à ce temple célèbre, l’école des mœurs… Il fallait le cœur de nos maçonnes pour renfermer nos recherches. Il fallait adopter dans la loge le sexe que nous en bannissions[1]. »

Les loges d’adoption furent, en effet, très en vogue. Les femmes se montrèrent très empressées à s’y faire admettre, à tel point qu’un écrivain put avancer, en 1776, « qu’on ne faisait presque plus de loges que pour les femmes » [2].

Parmi elles, comme parmi les hommes, c’est l’aristocratie surtout qui se montre empressée à participer aux mystères. La loge de la Candeur, la loge des 9 Sœurs furent les plus importantes des loges d’adoption et toute l’élite féminine de la Cour sembla s’y être donné rendez-vous. Mmes de Choiseul-Gouffier, de Rochechouart, de Loménie, de Nicolaï, de Brienne, de Rochambeau, de Bethisy, de Genlis siègent dans la loge de la Candeur, autour de la duchesse de Bourbon qui préside, entourée d’un état-major où l’on relève les noms de Luynes, de Brancas, de Caylus et de Turennes. Mme Helvétius préside la loge des 9 Sœurs. Mme de de Lamballe[3], la loge du Contrat social. La comtesse Potocska fonde les chevaliers de Notre-Dame-de-la-Persévérance.

Le 18 mars 1776, la duchesse de Bourbon est déclarée grande maîtresse des loges d’adoption.

C’est presque exclusivement à Paris que celles-ci furent flo-

  1. L’adoption ou la Maçonnerie des femmes.
  2. Bachaumont. Mémoires secrets, 1776.
  3. Cf. Bertin. Mme de Lamballe.